Tour Auto 2001

En cette année 2001, le Tour Auto célèbre le dixième anniversaire de sa renaissance. Du 9 au 14 avril, plus de deux cents équipages vont fêter dignement l’évènement, dont plusieurs en provenance de pays lointains : Chine, Brésil, USA, Equateur, Afrique du Sud.

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Interview de Jean Ragnotti

Gilles Bonnafous le 14/04/2001

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Engagé avec Francis Mercier sur une berlinette Alpine 1800 Groupe IV, Jean Ragnotti a été l’un des principaux animateurs du Tour Auto. Nous l’avons interviewé à Aix-en-Provence, le soir de l’avant-dernière étape. Il nous a confié ses impressions sur le Tour.


G.Bonnafous

Motorlegend : Jean, comment s’est déroulée cette avant-dernière journée ?

Jean Ragnotti : Pour nous, l’étape s’est très bien passée. Elle ne comportait que des épreuves spéciales, un terrain plus favorable à la berlinette que les circuits. De plus, les routes étaient sèches. La première épreuve était assez rapide, de sorte que Walter Röhrl nous a pris trois secondes. Mais les choses se sont arrangées dans les deux épreuves suivantes, qui étaient plus sinueuses. En l’absence de notes, on conduit à vue, et il est toujours possible de se faire surprendre par un virage. On commet forcément plus de fautes. Au classement général, nous sommes revenus à deux secondes de Walter.

Motorlegend : Parlez-nous de cette berlinette Alpine, qui possède une histoire intéressante.

Jean Ragnotti : La voiture avait été achetée à la fin de 1972 par Bob Wolleck, disparu tragiquement il y a peu aux Etats-Unis, avant la course de Sebring. Claude Ballot-Léna avait pris livraison de la même, et ces deux voitures, peintes aux couleurs de La Défense Mondiale, furent les seules Alpine compétition-client à prendre part au championnat du monde 1973. À son volant, Bob Wolleck courut notamment le rallye de Monte-Carlo, Lyon-Charbonnières et le Neige et Glace. Son coéquipier était du reste le même que le mien, Pierre Timonnier. La berlinette fut ensuite acquise par plusieurs rallyemen et elle remporta à diverses reprises le championnat de France des rallyes régionaux. Elle courut jusqu’en 1989. Son propriétaire actuel, Francis Mercier, l’a rachetée en 1995. Il l’a fait entièrement restaurer, depuis le châssis et uniquement avec des pièces d’origine. La voiture est donc conforme à ce qu’elle était à l’époque. Elle développe de l’ordre de 170 ch. Il y a deux ans, Bernard Darniche demanda à Francis Mercier de la piloter, d’où l’idée de l’engager dans le Tour Auto. Malheureusement, le moteur cassa à Spa dès le premier jour. L’année dernière, Jean-Charles Rédélé prit la place de Darniche dans le baquet, mais c’est la transmission qui rendit l’âme à la fin du troisième jour. Je croise les doigts…

Motorlegend : Piloter la berlinette vous rappelle quelques souvenirs…

Jean Ragnotti : J’éprouve un grand plaisir à me retrouver à son volant. Je l’ai connue un peu en 1975 et 1976 et, depuis, je ne l’avais plus pilotée. Je m’y suis donc remis. Mais dès la première spéciale de Montlhéry, nous avons fait le meilleur temps scratch. J’ai retrouvé mes sensations de l’époque, celles d’une voiture très agréable à conduire. Et elle permet de faire du spectacle. Le public est ravi, tout comme le pilote qui s’amuse beaucoup !

Motorlegend : Comment se comporte-t-elle sur les circuits ?

Jean Ragnotti : Très maniable, elle se trouve particulièrement à l’aise dans les spéciales. Je suis parvenu à limiter les dégâts sur les circuits, c’est pourquoi nous nous retrouvons aussi bien placés au classement. Walter Röhrl a bénéficié d’un avantage au Mans, sur le circuit Bugatti. Étant dans le deuxième plateau, il a roulé alors que la piste était sèche. Faisant partie du premier, j’ai, quant à moi, conduit sur le mouillé. À l’arrivée, il m’a pris une quarantaine de secondes. Or ce soir, deux secondes seulement nous séparent. Mais c’est la course !


G.Bonnafous

G.Bonnafous

Motorlegend : Quel est votre sentiment sur le Tour Auto ?

Jean Ragnotti : C’est une belle épreuve et l’ambiance y est très conviviale. Même s’il s’agit d’une course historique, on retrouve le Tour de France Automobile tel qu’il était il y a trente ou quarante ans. Et puis, on a le plaisir de voir des voitures d’exception, qui ont disparu de nos routes.

Motorlegend : Walter Röhrl nous parlait du Tour Auto comme d’un incomparable cocktail entre sport et tourisme. Que pensez-vous de cette appréciation ?

Jean Ragnotti : Il a tout à fait raison. D’ailleurs, si j’ai orienté ma carrière vers les rallyes, c’est aussi pour le tourisme. Lorsque je faisais les reconnaissances d’un rallye, je parvenais à dégager un peu de temps pour découvrir la région. J’en ai largement profité. Cela m’a permis de visiter des lieux très reculés, auxquels on ne peut accéder en simple touriste.

Motorlegend : C’est une époque bien révolue.

Jean Ragnotti : Le professionnalisme l’a emporté, de sorte que les pilotes disposent de trois jours seulement pour effectuer les reconnaissances (avec interdiction d’arriver auparavant). La situation ressemble malheureusement de plus en plus à celle de la Formule 1. On a le sentiment que les pilotes de rallyes modernes se comportent un peu comme des employés de bureau. Ils commencent la journée à 8 heures du matin pour la finir à 18 heures, avec un maximum de cinq ou six spéciales par jour, et de plus, très courtes.

Motorlegend : Quand on constate la différence de puissance qui vous sépare des plus grosses voitures du plateau, on se dit que le talent du pilote paie…

Jean Ragnotti : J’ai arrêté les compétitions officielles en 1996 — certes je continue à faire des démonstrations, y compris en Formule 1. Mais, à 56 ans, je me suis surpris à aller assez vite et à prendre quelques risques. Alors qu’au départ je craignais d’être un peu largué… Surtout dans ces conditions de conduite à vue.



Jean Ragnotti : Quand j’étais jeune rallyeman, je reconnaissais une spéciale deux ou trois fois et je la mémorisais très vite. J’improvisais, un peu à l’image de Jean-Luc Thérier. Ici, sans notes, je pensais aller moins vite. Mon coéquipier, qui n’est pas un professionnel, m’annonce juste les carrefours indiqués dans le road-book. Alors, dans une spéciale, c’est un peu juste ! Par exemple, il m’indique la présence d’un T à gauche à venir dans un kilomètre… De plus, comme nous ne sommes pas reliés par radio, je n’entends pas toujours ce qu’il me dit. Je conduis donc en jetant des coups d’œil sur le road-book pour voir le tracé de la route… Cet après-midi, il y avait une bosse suivie immédiatement d’un virage serré. Heureusement, j’avais regardé le road-book avant le départ et j’avais repéré ce passage piégeux…

Motorlegend : Reviendrez-vous l’an prochain ?

Jean Ragnotti : C’est probable. En tant que concurrent ou comme ouvreur. J’ignore si Francis Mercier engagera l’Alpine en 2002, mais en tout cas, pour l’instant, il semble satisfait.

Motorlegend : Peut-être sera-t-il encore plus satisfait demain ?

Jean Ragnotti : Je l’espère, mais en sports mécaniques, tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, on ne sait jamais…

On sait la déconvenue qu’allait connaître le lendemain l’équipage de l’Alpine, quand, dans la dernière spéciale du Tour Auto, la boîte de vitesses de la berlinette se bloqua brutalement. Réduisant à néant tout espoir de victoire.

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