Rétromobile 2005

RENAULT Projet 108

Gilles Bonnafous le 15/02/2005

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Prototype de berline deux litres, le projet Renault 108 apparaît comme une grosse 4 CV. Profondément remanié, il deviendra la Frégate.

Pour Pierre Lefaucheux, qui s’est déjà affranchi des contraintes du plan Pons en lançant la 4 CV, la vocation de Renault ne saurait se borner à la production d’un petit modèle populaire. Sa volonté est de s’attaquer à Citroën, notamment à la Traction. A la fin de 1947, il met à l’étude une berline haut de gamme, une grande routière confortable de six places. Directeur des Etudes de la Régie depuis 1946, Fernand Picard a de suite l’idée d’extrapoler la voiture de la 4 CV, qu’il a portée sur les fonts baptismaux et dont le succès s’affirme.

Baptisé projet 108, le prototype apparaît sous les traits d’une grosse 4 CV. Il a aussi de furieuses allures de Tatraplan, la voiture tchèque dévoilée à la fin 1947. Avec elle, il partage des similitudes majeures : cylindrée de deux litres, implantation du moteur en porte-à-faux arrière et parenté stylistique, bien que la Renault affiche une ligne moins élégante et des proportions moins équilibrées.

RENAULT Projet 108 RENAULT Projet 108

La 108 reçoit un quatre cylindres à soupapes en tête de 1997 cm3 monté comme le 747 cm3 de la 4 CV (radiateur à l’avant). Etudié dès 1943, ce moteur, qui développe 55 ch à 3500 tr/mn, a déjà équipé le prototype 107 E dit Primalégère. Dépourvu de brio, il s’avère mal à l’aise dans les régimes élevés en raison de tiges de culbuteurs exagérément longues. La 108 se rattrape grâce à sa suspension sophistiquée, constituée à l’arrière de roues tirées par des bras articulés perpendiculairement à l’axe de la voiture. Ce dispositif vaut à la 108 une remarquable tenue de route, héritant même d’un comportement sous-vireur malgré l’implantation de la mécanique en porte-à-faux.

Les résultats des premiers essais effectués en septembre 1949 dans la vallée de Chevreuse s’avèrent positifs. Aérodynamique et légère avec 930 kilos (dont 512 kilos à l’avant), la voiture atteint près de 130 km/h pour une consommation satisfaisante (9,5 litres à 100 km/h). Pour améliorer les accélérations, on monte un couple de 7 x 32, qui permet de gagner 2,5 secondes sur le kilomètre départ arrêté (46 secondes). Dotée d’une direction légère (à crémaillère), le prototype bénéficie également de réelles qualités de maniabilité.

La 108 pâtit toutefois de plusieurs défauts graves, comme le dessin de la partie arrière dont le hublot est à l’origine d’une mauvaise visibilité. Mais deux sont rédhibitoires. Le premier tient à l’habitabilité. Nécessaire pour une bonne répartition des charges sur les deux essieux, la position avancée de la banquette antérieure génère des passages de roues encombrants, qui excluent la possibilité d’asseoir trois passagers. La 108 est en réalité une quatre/cinq places.

Les ingénieurs rencontrent également de grosses difficultés avec le refroidissement du moteur. Ils s’avèrent incapables de canaliser un flux d’air suffisant sans trop nuire à l’esthétique. Déjà agrandies à l’extrême en forme d’oreilles disgracieuses, les prises d’air latérales ne permettent pas un refroidissement satisfaisant. Aller plus loin aboutirait à faire de la voiture un monstre.

A l’automne 1949, Pierre Lefaucheux donne l’ordre de reprendre entièrement le projet sur des bases plus conventionnelles. Sans toutefois allonger les délais, car la voiture doit être prête pour le début 1952 — le lancement de la Frégate sera même avancé d’un an, ce dont la voiture ne se remettra pas.

A-t-on perdu près de deux ans avec le projet 108 ? Pas tout à fait. Car sa remarquable suspension va passer à la postérité. Reprise sur la Frégate, elle va conférer à cette dernière un remarquable comportement routier, qui lui vaudra d’apparaître, dans ce domaine, comme l’une des plus brillantes voitures européennes.

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