Essai AUDI S6 e-tron Avant quattro

Fini le ronron du V6, place à un sifflement feutré et des poussées électrisantes. Pour la marque aux Anneaux, ce break haut de gamme ne se contente pas de bousculer les habitudes : il ambitionne tout simplement de redéfinir l'ADN de la sportivité familiale chez Audi. Ce n'est pas un restylage ou une déclinaison opportuniste : la S6 e-tron Avant est un modèle neuf, repensé de la cellule à la prise de recharge. Elle repose sur la nouvelle plateforme PPE (Premium Platform Electric), fruit des derniers travaux du groupe Volkswagen. Une base technique qu'elle partage avec le tout nouveau Porsche Macan électrique. Et cela se sent : proportions généreuses, assise basse, ligne élancée, et surtout une intégration technologique de très haut vol. Le genre de socle qui autorise toutes les audaces, tant en matière de performance que de raffinement. Sous sa carrosserie profilée se cache un attirail impressionnant : deux moteurs électriques, un par essieu, offrant une transmission intégrale de série, pour une puissance cumulée d'environ 500 ch et un couple immédiat qui tutoie les 800 Nm. De quoi catapulter ce beau bébé de plus de 2,4 tonnes de 0 à 100 km/h en moins de 4,5 secondes. Pas mal pour un break familial dont le volume de coffre pourrait loger une tente de festival ou deux poussettes double. Mais tout cela, dans un murmure.

À son volant, c'est une nouvelle forme de dynamisme qui s'exprime. Plus clinique que viscérale, mais diablement efficace. Le silence impressionne, bien sûr, mais c'est surtout cette sensation de flotter sur l'asphalte, comme porté par un tapis roulant invisible, qui marque l'expérience. Sur autoroute, la S6 e-tron Avant donne l'impression de raboter les kilomètres dans une indifférence souveraine. Tout est fluide, précis, moelleux même. Et pourtant, sur une petite route sinueuse, elle parvient à masquer son embonpoint avec une certaine agilité, grâce à un châssis actif, une direction aux petits oignons et une suspension pilotée qui gère son monde comme un chef d'orchestre suédois. Bien sûr, le poids se rappelle à vous sur freinages appuyés ou en virage serré, mais l'équilibre général rassure. Elle n'est pas joueuse : elle est impériale.

Côté consommation, Audi promet une moyenne sous les 20 kWh/100 km, mais dans la réalité, mieux vaut tabler sur un honnête 22 à 24 kWh dès que le rythme s'accélère ou que le relief se fait joueur. Ce n'est pas scandaleux vu le gabarit et les performances disponibles, mais cela reste le talon d'Achille des véhicules électriques sportifs : à haut régime, l'autonomie fond comme neige au soleil. Heureusement, le système de recharge fait partie des meilleurs du marché. Sur une borne ultra-rapide de 270 kW, il est possible de passer de 10 à 80 % de batterie en à peine 21 minutes. De quoi recharger pendant une pause café sur autoroute, tant que l'infrastructure suit. Sur une wallbox domestique en courant alternatif, comptez une nuit complète pour une recharge totale. C'est dans l'ordre des choses, mais cela nécessite de penser ses trajets autrement — un luxe de planification que tous les automobilistes ne sont pas encore prêts à s'offrir.

Techniquement, Audi a sorti le grand jeu : batterie de plus de 100 kWh, autonomie qui flirte avec les 600 kilomètres selon le cycle WLTP, recharge ultra-rapide jusqu'à 270 kW, permettant de récupérer 250 kilomètres en une vingtaine de minutes sur borne compatible. Les technologies embarquées rassemblent ce qui se fait de mieux : affichage tête haute en réalité augmentée, conduite semi-autonome dernier cri, habitacle bardé d'écrans haute définition et de surfaces tactiles soyeuses. Le confort y est digne d'une berline de direction : cuir, aluminium, ambiance lumineuse soignée. Tout y est, sauf peut-être un peu de chaleur, cette once de personnalité qui faisait le charme des Audi thermiques d'autrefois.

Et c'est peut-être là que le bât blesse. Car si cette S6 e-tron Avant impressionne, elle ne bouleverse pas. Lissée, policée, calibrée, elle semble avoir été conçue pour plaire à tout le monde, sans froisser personne. À force de tout faire bien, elle en oublie un peu de faire vibrer. Même en mode Dynamic, les accélérations restent linéaires, presque trop parfaites, et la mise en scène sonore peine à compenser l'absence de mécanique viscérale. On l'apprécie comme on admire un tableau de maître : à distance respectueuse. Reste la question du gabarit. Avec ses 5 mètres de long et près de 2 mètres de large, cette S6 e-tron Avant semble plus pensée pour les boulevards allemands ou les suburbs californiens que pour les rues étroites de nos centres-villes européens. Et son prix, qui dépasse allègrement les 100 000 € avec options, la réserve à une clientèle déjà conquise à la cause électrique premium. Un marché de niche, certes, mais un laboratoire à ciel ouvert pour les ambitions d'Audi. Car ce break sportif du futur n'est pas un simple produit : c'est un manifeste roulant, un étendard technologique qui doit prouver que l'électrique peut aussi rimer avec tradition, dynamisme, et praticité familiale. En somme, la S6 e-tron Avant est peut-être le break de demain. Silencieuse comme une nuit d'hiver, puissante comme une bourrasque, connectée comme une salle de marché. Reste à savoir si ce futur-là parle encore à nos cœurs d'automobilistes.