Saga Chevrolet Corvette

Depuis plus d'un demi-siècle, la Chevrolet Corvette persiste et signe. En l'espace de cinquante ans, cinq générations de Corvette ont vu le jour. Mieux qu'un symbole, c'est une véritable "institution".

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Histoire : La Corvette : mode d'emploi

Didier Lainé le 25/04/2003

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Toutes les Corvette sont loin d'être égales devant le chronomètre ou le plaisir de conduire. C'est affaire de génération, d'environnement et de développement technologique. Si l'actuelle C5 de "série" égale presque les performances de la redoutable (et très marginale) ZR1, les chiffres seuls ne suffisent pas à mesurer les progrès accomplis en termes de facilité de conduite, d'agrément au quotidien et de confort à bord. En 50 ans, Detroit a beaucoup changé. Ses productions aussi. Raison de plus pour revenir sur les qualités et les défauts chroniques des unes et des autres.

Corvette 1953/55 : un
Corvette 1953/55 : un "show-car" de production que l'on peut "éventuellement" conduire... D.R

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Corvette 1953-55 : les tourments de l'adolescence

Prendre le volant d'une Corvette des origines impose de repenser complètement ses habitudes de conduite. La voiture est basse et large mais les commandes sont disposées de façon un peu empirique : le volant est trop près du buste et l'on manque un peu de recul. Devant l'immense pare-brise panoramique, le "Blue Flame" 6 Chevrolet (groupe déjà jugé obsolète en 1953) a trouvé à se loger sans peine sous le large capot galbé. Une fois mis en route, sa sonorité un peu rauque rappelle qu'il a tout de même bénéficié d'un traitement spécial pour "animer" décemment la sportive Corvette. Ses 3 carburateurs Carter se font entendre et lui donnent un peu le timbre d'un gros 6 cylindres anglais. Mais dès les premières centaines de mètres, le tempérament placide de ce vénérable bloc tout en fonte et tout en ligne s'impose au conducteur. Les accélérations sont plutôt "paisibles" (avec 34'' environ au km. D.A, la Corvette 53 se situe tout juste au niveau d'une Healey 100) et la boîte Powerglide à 2 rapports décourage toute velléité d'en découdre avec l'adversité. Pour tout arranger, les gros pneus à flancs blancs et carcasse diagonale conformes aux montes d'époque procurent une adhérence très relative en courbe. Sous l'effort, la Corvette 53 se déhanche et se dandine sur ses roues en gémissant de toutes ses suspensions. La direction n'est pas non plus son point fort. Volumineux et relativement lourd à manœuvrer, le grand volant blanc oblige à décomposer les mouvements avec circonspection. Moyennant un temps d'adaptation plus ou moins long (selon les individus), la Corvette 53 révélera tout de même ses qualités maîtresses. De fait, elle sait être douce, reposante à allure moyenne et plutôt attachante à l'usage si on a à cœur de laisser faire la mécanique sans jamais la forcer. Dans cette configuration "préliminaire", la Corvette ne peut, certes, prétendre au titre de "voiture de sport". Mais son gros 6 cylindres a tout de même du souffle et sa ligne est si "connotée" qu'elle compense en grande partie un caractère encore bien hybride. Deambuler devant les terrasses de café en Corvette 53 reste toujours un grand moment. Car 50 ans après, cette "voiture de rêve" fait toujours rêver. Pour sa silhouette quand on est profane, pour sa rareté et son intérêt historique quand on est amateur. Reste que la cote du modèle est telle aujourd'hui qu'elle rend ce rêve de plus en plus inaccessible (voir à ce sujet notre chapitre 5)...

Corvette 57 "Fuel Injection", en souvenir de Zora

En 4 ans, bien des choses ont changé pour l'enfant terrible de Chevrolet. Si la structure est restée la même, l'emballage a quant à lui profité d'un restylage plus "viril" qui rapproche davantage la voiture de ses rivales européennes. Plus agressive, la face avant évoque presque le mufle d'une barquette Ferrari avec ses optiques proéminents et sa calandre oblongue ouverte comme une bouche sur une dentition menaçante (symbolisée par quelques barrettes chromées). De profil, l'adjonction de "flammes" décoratives prolongeant l'arche des roues avant et l'abandon des symboliques ailerons postérieurs (servant de support aux petits feux ronds) contribuent à dynamiser la silhouette en soulignant davantage ses galbes évocateurs.

Sous le capot, le "grand" Zora Duntov (pilote à ses heures et pour son plaisir) a laissé sa marque et le V8 283 qui s'y épanouit en prenant toutes ses aises montre à lui tout seul que les temps ont bien changé pour les Chevrolet en général et la Corvette en particulier. Qui s'enorgueillit de proposer cette année-là à ses clients les plus téméraires un système d'injection mécanique assez novateur (dans le contexte américain) développé par Rochester tout spécialement pour General Motors et qui permet au V8 283 CI (4,6 l env.) d'afficher pas moins de 283 chevaux (soit 1 cheval par cubic inch) au régime élevé de 6200 t/mn. En 1957, un tel rendement relève de l'exception dans la production américaine (et même en Europe). Ce groupe très singulier (proposé en option à un tarif assez dissuasif) coiffe une gamme de motorisations assez généreuse qui permet à tout un chacun de trouver monture à sa pointure.

Corvettte 57
Corvettte 57 "Fuelie" : une "brute" qui laisse loin derrière elle ses rivales européennes du moment. D.R

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La Corvette 57 "Fuelie" (son surnom lorsqu'elle est dotée de l'injection) n'est assurément pas un tigre de papier. Les chiffres relevés par le magazine Road and Track en attestent : 14, 3'''à peine aux 400 mètres départ arrêté, 6 secondes de 0 à 100, 16, 5 secondes de 0 à 160 et près de 215 km/h en pointe ! Des temps d'accélération plutôt "décoiffant" pour l'époque et qui restent, aujourd'hui encore, tout à fait élogieux. Il est vrai que la Corvette 57 n'est pas encore trop lourde et que la puissance décapante du V8 injection est assez bien "gérée" par une boîte à 4 rapports correctement étagée et un pont autobloquant assez efficace. Sous l'angle de la performance pure, la Corvette 57 "Fuelie" relève la tête. Elle prend même le large face à ses rivales européennes (Jaguar XK 150, entre autres) qui ne peuvent suivre son train d'enfer. Mais, pour profiter pleinement de ces chevaux très piaffants, il est recommandé d'en passer par les options d'époque : suspensions raffermies (ressorts et amortisseurs), barre stabilisatrice, direction "directe" à démultiplication réduite, différentiel "Positraction", freins à tambours ventilés avec garnitures "Cérametalix". De quoi amplifier le plaisir sur route ouverte et oublier tout ce qu'on a pu vous raconter sur la Corvette. Ainsi métamorphosé par Zora Duntov, le timide "boulevard tourer" des débuts est devenu une vraie brute. A manier avec précaution, tout de même : l'injection Rochester a ses humeurs et le train arrière, même mieux guidé, reste encore un peu "déroutant" en sortie de courbe. Aux Etats-Unis, ce concentré de plaisir se paye aujourd'hui au prix fort. Les Corvette "Fuelie" de cette génération sont rares, délicates à entretenir et toujours très convoitées. Pour amateur très averti.

Corvette Sting-Ray 1965 : Trait de génie

La "2ème" génération demeure, à bien des égards, l'une des plus désirables. Parce que sa silhouette fait toujours tourner les têtes (surtout le coupé dont la "pointe" arrière est à elle seule un morceau de bravoure esthétique), et qu'elle consacre un véritable "trait de génie" : l'œuvre décisive de Bill Mitchell, le meilleur disciple d'Harley J. Earl et son successeur émérite à la tête du "styling" GM. La "Sting-Ray" est née en 1963 mais ses lignes essentielles remontent à 1958. Que dire si ce n'est que certaines voitures sont impossibles à "dater". Cette Corvette du "2ème type" en est un exemple parfait. Aujourd'hui encore, elle trouverait sans doute à se vendre sur le marché du neuf si d'aventure, Chevrolet en avait poursuivi la production. Intemporelle et toujours irrésistible, elle symbolise sans doute "la" Corvette que tout amateur sérieux se doit de posséder dans sa collection s'il veut en avoir au moins une. Si possible un modèle '65 (ou 66 ou 67...) parce que les 4 freins à disque qui l'équipent désormais apparaissent plus qu'indispensables : incontournables. Parce que le reste de la voiture donne vraiment envie d'aller vite et qu'il est toujours préjudiciable de ne pas savoir à l'avance comment l'on s'arrêtera, en cas de besoin...

Corvette Sting Ray 1965 : sous le capot, le V8 327 respire à son aise. Et vous gratifie d'accélérati
Corvette Sting Ray 1965 : sous le capot, le V8 327 respire à son aise. Et vous gratifie d'accélérati D.R
Corvette Sting Ray 1965 : l'invitation au voyage
Corvette Sting Ray 1965 : l'invitation au voyage D.R

Le reste, c'est ce châssis d'un type nouveau qui permet à la Corvette de bien se tenir sur la route. C'est cette suspension indépendante à l'arrière qui fait toute la différence quand on la compare à ses devancières (à l'époque, les Ferrari "de route" venaient tout juste de s'y convertir, ce qui démontre que la Chevrolet n'était pas vraiment en retard, même si la Jaguar E l'avait un peu devancée sur ce plan). C'est ce choix de motorisations "au niveau" qui fournissent une cavalerie bien "suffisante" pour faire avancer la Sting-Ray à grande vitesse dans le sens de l'histoire. Avec 300 chevaux SAE, le 5,3 l Chevrolet (327 CI) lui donne déjà des ailes et lui permet de suivre le train d'une Type E 4,2 L, ce qui déjà est une belle référence en soi. Choisissez l'option supérieure et ce sont 350 chevaux (SAE) qui vous sont soudain offerts. 350 chevaux qui vous mèneront de 0 à 160 en moins de 15" et vous "déposeront" à plus de 240 km/h si le cœur vous en dit. Timorés s'abstenir : même "civilisée", la Sting-Ray demande toujours à être pilotée à grande vitesse. Homogène mais impétueuse, elle s'amuse à provoquer si on lui fait trop confiance. C'est, en résumé, une "voiture à vivre". A vivre à plein régime sur des routes désertes et suffisamment larges pour la laisser passer en travers quand elle s'énerve un peu. Un vrai bonheur pour amateur aguerri...


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Corvette Stingray 1969 : bestiale en apparence, elle peut être plus terrifiante encore avec le 427 C
Corvette Stingray 1969 : bestiale en apparence, elle peut être plus terrifiante encore avec le 427 C D.R
Corvette Stingray (série C3) : le
Corvette Stingray (série C3) : le D.R

Corvette StingRay 427/435 HP 1969 : Espèce venimeuse

Ses échappements latéraux, ses larges pneumatiques et son imposant bossage de capot valent mieux qu'un long discours. Cette Sting-Ray est bien une "tueuse". Tueuse de Jaguar E ou de Ferrari, peu importe. Seule une Cobra 427 peut éventuellement lui tenir tête. Mais, au delà de ses "victimes" désignées, c'est surtout l'audace du pilote qui fera toute la différence sur la route. La précédente Sting-Ray 327/350 vous faisait déjà un peu peur ? Celle-ci vous terrorisera avec ses accélérations "introuvables" (comptez moins de 13''de 0 à 160...), son couple démoniaque qui fait vibrer toute la voiture même à 1500 tours en 4ème,les grognements féroces de son gros V8 survitaminé et les ruades imprévisibles de son train arrière, un peu "dépassé" par les événements.

Même sur le sec, la StingRay 427/435 se déplace souvent en diagonale en louvoyant méchamment d'un bord à l'autre de la route. Par temps de pluie, mieux vaut éviter de la sortir : le couple ne passe pas et les roues s'affolent trop vite. Imparfaite et extrémiste, cette StingRay du 2ème type est sans doute plus à sa place sur la piste d'un circuit où l'on peut apprendre très progressivement à connaître ses limites. Si elle en a. Rien n'est moins sûr... Chère à l'époque, la StingRay 427/435 est un pur joyau en collection. Une pièce de choix difficile à manipuler mais terriblement attachante par ses côtés diaboliques qui font d'elle une sorte de dragster homologué pour la route. Attention : espèce venimeuse...

Corvette LT1 1993 : un excellent compromis performance/prix.
Corvette LT1 1993 : un excellent compromis performance/prix. D.R

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Corvette LT 1 1993 : Le Grand Tourisme réinventé

Loin des premières moutures relevant du "4ème type" (celles de 1984 qui manquaient tout à la fois de puissance et de raffinement), à distance respectable de la fort méchante ZR1 qui n'est toujours pas à recommander aux âmes sensibles, la Corvette LT1, millésime 1993, apparaît comme un heureux compromis, une évolution homogène de l'espèce. Les 300 chevaux de son V8 350 CI raisonnablement travaillé dans sa distribution suffisent à la tâche et donnent à cette Corvette bien élevée le souffle dont étaient privées ses devancières. IL fallait attendre, donc. Ceux qui ont su attendre n'ont pas été déçus. Modérément restylée dans l'esprit de la ZR1, la LT1 a fort bien traversé les années en peaufinant une silhouette conçue dès l'origine pour séduire sans verser pour autant dans l'effet de style racoleur. Ses lignes simples et subtilement tendues lui donnent l'allure d'une Grand Tourisme racée et discrète qui se laisse volontiers admirer sous tous les angles. Derrière le volant, on oubliera vite le design un peu compliqué de la planche de bord et les détails de finition qui font encore "grande série" pour se consacrer à l'essentiel : conduire. La LT1 ne demande que ça. Vous obéir au doigt et à l'œil en vous faisant profiter de quelques assistances électroniques et de montes pneumatiques "sécurisantes" qui font bien passer la puissance sur l'asphalte (l'antipatinage est ici bien utile). Ses 300 chevaux sont juste assez dociles pour vous rassurer en toutes circonstances et juste assez nombreux pour vous donner envie dans certaines circonstances. Donner envie d'aller voir jusqu'où elle peut vous entraîner. Au delà des 250 km/h, c'est sûr mais là n'est pas l'essentiel. C'est surtout la façon d'y aller qui donne envie d'y aller. A ce titre, c'est toujours une Corvette, c'est à dire une "voiture de sport" qui a oublié pour de bon d'être ennuyeuse. S'offrir une LT 1 âgée de dix ans ou moins, c'est encore un bon moyen de ne pas vieillir trop vite. Et même votre banquier vous y encouragera : ce plaisir-là n'est vraiment pas inabordable, ni à l'achat ni même à l'entretien. Il existe donc de "bonnes" Corvette accessibles ? En voici la preuve...

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