Acheter une MATRA Bagheera (1973 - 1980)
Stéphane Schlesinger le 30/11/2022
Revendiquant trois places et un moteur central, la Bagheera concilie espace et efficacité. Sa motorisation est modeste, mais en usage loisirs, cette auto redevient cohérente avec l'époque.
La preuve par trois
Venu à l'automobile en 1964 par le rachat du constructeur René Bonnet, auteur de la Djet, le fabricant d'armes Matra présente un premier modèle spécifique, la 530, en 1967. Cette petite sportive se signale, outre par sa ligne étrange, par son moteur central et ses places arrière, une configuration alors unique. Elle rencontre un succès d'estime qui incite Matra à lui donner une descendante.
En 1970 les études de celle-ci débutent, et rapidement s'orientent vers une architecture originale, à trois places de front. Le moteur, toujours central, est fourni avec la transmission par Simca, qui collabore pour la première fois avec Matra.
Rigoureuse, la conception est menée tambour battant sous la férule de Philippe Guédon et l'auto sort en avril 1973. Nommée Bagheera en référence à la panthère du Livre de la jungle, elle séduit par sa carrosserie moderne due à Jacques Nocher et Jean Thoprieux, ainsi que par sa structure comportant des zones à déformation programmée. Le moteur n'est que le 1,3 l culbuté de la Simca 1100 poussé à 84 ch, mais avec la crise pétrolière qui éclate bientôt il se trouve très adapté aux circonstances. Surtout que la Matra accroche tout de même les 180 km/h grâce à une excellente aérodynamique.
Facturée 24 750 F à son lancement (23 000 € actuels selon l'Insee), la commercialisation de la Bagheera commence en juillet 1973, après le doublé Matra aux 24 Heures du Mans. L'auto se décline en deux versions : la Type 1 de base, et la Type 2 plus étoffée (jantes alu, sièges bicolores). Les ventes débutent avec succès et, fin 1974, une variante exclusive habillée par Courrèges, toute blanche, intérieur compris, est même proposée. Seulement, cette prometteuse petite GT a besoin d'un moteur réellement puissant.
Fin 1975, apparaît donc une version S forte de 90 ch dotée du 1,4 l de la Simca 1308 GT. Mais cela ne suffit pas, surtout que la VW Golf GTI (110 ch) est révélée presque en même temps. L'étude du 8-cylindres U8, un temps envisagé pour l'équiper, n'arrive pas à terme.
En juillet 1976, la Matra bénéficie d'un restylage (feux arrière, boucliers enveloppants, vitrages agrandis, intérieur redessiné), mais la technique ne change pratiquement pas, faute de budget. Puis cette auto originale, attaquée par de nouvelles petites sportives plus nerveuses, se laisse doucement glisser vers la retraite.
En 1977, la Courrèges est remplacée par la X, à la présentation plus sportive. En 1979, le 1,3 l de base est remplacé par un 1,4 l de 82 ch, cependant qu'une série limitée Jubilé est présentée. En 1980 la production s'arrête : 47 796 exemplaires sont sortis de l'usine de Romorantin. Pas mal, mais qu'en aurait-il été avec un moteur digne du châssis ?
Au volant
À bord de la Bagheera, ici une S de 1978, on est surpris de l'ambiance cossue et de la finition plutôt soignée. Le siège conducteur se révèle très confortable, et malgré un volant un peu bas, la position de conduite apparaît agréable : les commandes sont alignées, chose rare sur une auto à moteur central ! S'ajoute une belle sensation d'espace, conférée par la largeur disponible, la voiture pouvant accueillir trois passagers de front.
Direction douce et précise, boîte au maniement fluide, insonorisation fort convenable, la conduite courante se révèle étonnamment aisée. Souple, le moteur sonne plaisamment et donne de bonnes reprises à mi-régime. Il offre ainsi des performances des plus convenables, mais il n'aime pas flirter avec la zone rouge. Dommage, car le châssis remarquable, nanti d'un équilibre parfait, d'une suspension très filtrante et d'une précision irréprochable aurait accepté beaucoup plus de puissance. En somme, cette Matra est une petite GT stylée et efficace, peu gourmande et délivrant du plaisir sur route sinueuse.
À surveiller
Dotée de moteurs Simca, la Bagheera est mécaniquement très endurante, aux synchros de boîte près. En plastique, la carrosserie ne rouille pas, mais le châssis, si. C'est le gros point faible de l'auto. À inspecter de près ! Enfin, la sellerie se révèle fragile, et les pièces spécifiques manquent.
La cote
Ringardisée par les compactes sportives, la Bagheera a sombré dans l'oubli, d'où une cote très basse depuis longtemps, stagnant globalement à 25 000 F dans les années 1990. Voici dix ans, un bel exemplaire ne dépassait pas 4 500 €. Depuis, on observe une lente remontée. Aujourd'hui, elle varie entre 7 500 € pour une 1,3 l restylée et 14 000 € pour une rarissime Courrèges de première génération. Comptez 9 000 € pour une S comme celle essayée ici. N'hésitez pas à payer plus cher une auto impeccablement restaurée, au châssis sans rouille. Car ces valeurs sont appelées à grimper, vu la rareté, l'agrément et le caractère de la Bagheera.
3 points clés
⦁ Architecture originale
⦁ Belles qualités routières
⦁ Cote en hausse
Chronologie
⦁ 1973 : Présentation de la Bagheera en avril (1.3l, 84 ch), déclinaison en deux versions en juin, commercialisation en juillet.
⦁ 1974 : Apparition de l'exclusive Courrèges.
⦁ 1975 : Version S (1.4l, 90 ch).
⦁ 1976 : Restylage en juillet : vitrages, boucliers, feux et tableau de bord sont revus.
⦁ 1977 : Finition luxueuse X remplaçant la Courrèges.
⦁ 1979 : La version de base passe à 1,4 l. Apparition d'une série limitée Jubilé.
⦁ 1980 : Fin de production.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 30/11/2022, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.