Histoire : Jim Clark

le 10/08/2005

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Les débuts

Les années d'avant guerre avaient eu Fangio, les sixties eurent Jim Clark.

Né le 14 mars 1936, à Kilmany en Ecosse, Jim Clark se fit rapidement remarquer en remportant à 17 ans sa toute première course. Il ignorait alors qu'elle n'était que la première d'une très longue série qui allait, notamment, le porter vingt-cinq fois sur la plus haute marche du podium d'un Grand Prix de Formule1...

Après son premier succès très encourageant sur le circuit de Windfield, Clark décida de consacrer ses loisirs à la compétition automobile. Issu d'une famille paysanne "middle-class" du Berwickshire qui voyait d'un assez mauvais oeil cette passion naissante (et aurait préféré le voir reprendre l'exploitation agricole), il dut se contenter d'une vieille Talbot-Sunbeam 90 pendant 3 ans accumulant malgré tout de nombreuses victoires dans les courses régionales.

Ces performances prometteuses ne passaient pas inaperçues. Jan Scott-Watson, amateur de compétition fortuné devint rapidement l'un des plus proches amis de Jim pour lequel il avait une admiration sans limite.

En 1956, il décida de lui offrir sa première vraie mais modeste voiture de course, une DKW. L'auto n'était pas bien fameuse mais son talent conjugué à sa formidable envie de réussir lui permirent de se faire rapidement remarquer des équipes sportives. Les plus grandes courses succédèrent aux petites et après une époustouflante démonstration sur le circuit de Chaterhall, à bord de la Porsche 1600 d'un ami, le team Borders Reivers lui proposa le volant d'une Jaguar Type D.

Les choses étaient allées très vite, trop vite peut-être pour Clark qui n'avait pas eu encore le temps d'envisager une carrière exclusivement consacrée à la compétition. A l'époque, son temps était partagé entre les circuits et la ferme de son père. Les travaux des champs, le coup de main nécessaire qu'il devait à ses parents, autant d'obstacles qui le tenaient périodiquement éloigné des circuits.

Malgré le manque d'entrainement, la Type D lui permit de remporter, en 1958, douze des vingt courses auxquelles il participa.


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Première monoplace

C'est en 1959 que Jim monta pour la première fois dans le baquet d'une monoplace. Il s'agissait d'une Gemini de Formule Junior avec laquelle sa démonstration sur le circuit de Brands Hatch fut si impressionnante qu'à peine franchie la ligne d'arrivée, il fut accueilli par Reg Parnell qui lui proposa aussitôt de rejoindre la prestigieuse écurie Aston-Martin...

Parnell s'était un peu vite enthousiasmé et n'avait pas compté avec les contrats déja signés par la firme de Kensington et les difficultés qu'elle allait rencontrer à produire un vrai véhicule de compétition. Malgré le déplacement que fit Parnell dans le lointain Berwickshire pour convaincre le père de Jim, celui-ci n'intégra pas l'équipe de Grand Prix Aston-Martin et ce fut le team Lotus, dirigé par Colin Chapman qui l'engagea pour la saison 1960. Le mariage allait durer jusqu'à sa mort brutale sur le circuit d'Hockenheim.

Au début de cette première année de "pilote officiel" Jim Clark accumula les succès en Formule Junior. Il se classa troisième au Mans avec Roy Salvadori et, dès le mois de juin, Chapman lui confia un volant de F1 pour le Grand Prix de Hollande.

Sans la défaillance de sa boîte de vitesses qui le contraint à l'abandon, il est probable que Zandvoort aurait été son premier podium.

Les premiers points en 1960

En cette année 1960, le Team Lotus affrontait la saison de F1 avec de justes ambitions et une écurie de pilotes tout à fait remarquables. Entre autres : Mike Taylor, Chris Bristow, Alan Stacey, Stirling Moss et le tout jeune Jim Clark. Hélas, le Grand Prix de Belgique allait s'avérer fatal aux poulains de Chapman. Moss et Taylor furent victimes de sorties de route durant les essais et furent très grièvement blessés. Ils eurent malgré tout plus de chance qu'Alan Stacey qui trouva la mort pendant la course. Cette tragédie qui frappa si douloureusement l'écurie Lotus au cours de ce tragique week-end occulta bien évidemment la très bonne cinquième place de Clark qui marqua à Spa ses tous premiers points en championnat du monde.

La suite de la saison fut en demi-teinte pour Jim. Une bonne cinquième place au Grand Prix de France mais aucun point marqué sur ses terres lors du Grand Prix de Grande-Bretagne. Au Portugal, malgré un accrochage lors des essais, Clark se hissa néanmoins sur la troisième marche du podium, à deux minutes seulement de l'intouchable Jack Brabham.

Refusant d'utiliser la section nouvellement créée du circuit de Monza, les équipes anglaises boycottèrent le Grand Prix d'Italie. Cela permit à Lotus de reconstituer ses forces et, quelques semaines plus tard, d'affronter la course de Riverside, aux USA, avec une équipe reconstituée et remotivée. Moss obtint la pole position, Clark et Surtees partirent en sixième et septième ligne.

Moss l'emporta et malgré une insignifiante seizième place, Clark consolida sa position au sein du Team Lotus qui renouvela son contrat pour la saison 1961.

En cette fin d'année 1960, Louis Stanley, du Team BRM disait alors de Jimmy : "Ce type est incroyable. Il semble savoir maîtriser sa voiture même au delà de ses propres limites. Pour peu que la chance veille longtemps sur lui, son talent et son audace en feront certainement le plus grand pilote de la décennie".

Une prophétie pleine de lucidité qui contrastait avec d'autres avis selon lesquels Jim Clark était simplement un "cinglé" qui avait eu, jusque là, beaucoup de chance...


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1961 : année noire pour Lotus

Dans les années 60, le championnat de Formule1 ne se disputait qu'à travers une petite dizaine d'épreuves et c'est assez difficile d'établir des comparaisons avec le championnat tel qu'on le connaît aujourd'hui. Il faut également savoir, que contrairement aux pilotes actuels, les pilotes du championnat de F1 des années 60 gagnaient peu d'argent.

Pour assurer leur subsistance et vivre de manière simplement décente, ils devaient participer à de très nombreuses autres courses.

Jim Clark n'échappait pas à la règle. Aussi, lorsqu'au début de 1961, les propositions de contrats en F1 se multiplièrent, Clark choisit de rester chez Lotus qui lui assurait des revenus plus constants et des primes plus intéressantes notamment de la part du groupe Esso, principal sponsor de l'écurie de Chapman.

Comme aujourd'hui, en revanche, chaque nouvelle saison voyait l'apparition d'une nouvelle voiture. Chez Lotus la nouvelle 21 Climax 1,5 litre avait été préparée par Chapman avec tout son savoir faire. L'auto, un peu faible et un peu fragile, tentait de compenser son manque de puissance par un chassis très évolué et une carrosserie ultra-légère.

Au volant d'une Cortina Lotus
Au volant d'une Cortina Lotus D.R.
Amis et rivaux de toujours : Surtees, Clark et Hill.
Amis et rivaux de toujours : Surtees, Clark et Hill. D.R.

Elle était hélas en concurrence avec les nouvelles Ferrari V6 de 1500 cm3 qui dominèrent toute la saison. Le premier Grand Prix disputé cette année-là fut celui de Monaco où Clark malgré des essais prometteurs ne put se classer que dixième à l'issue d'une course pourtant idéale pour contrer la puissance des autos de la Scuderia. Clark fut mieux récompensé de ses efforts à Zandvoort où il arracha une troisième place derrière les deux Ferrari pilotées par "Taffy" von Trips et Phil Hill.

Ferrari devint l'obsession du Team Lotus au cours de cette saison. Quand arriva l'heure du Grand Prix d'Italie à Monza, en septembre 1961, Clark révait d'une victoire devant les tifosi. Dès le départ, la lutte s'engagea entre la Lotus et les quatre Ferrari menées par von Trips - en tête du classement-, Hill, Ginther et Rodriguez. Au deuxième tour, Jim Clark avait conquis la seconde place. Au début du troisième tour malheureusement, les deux leaders de la course se heurtèrent. La Ferrari de von Trips partit en tête à queue puis entra dans la foule, tuant son pilote et quatorze personnes... Ce drame fut l'un des plus épouvantables qu'ait connu la Formule1.

Très honnêtement, aux dires des spécialistes, toute la faute de cet accident incombait à von Trips lui-même qui avait quelque peu "fermé la porte" à un Jim Clark sur le point de le dépasser. Hélas von Trips pilotait une Ferrari et nous étions en Italie, à Monza... Dès le lendemain, la presse déchaînée accusait Clark d'inconscience, d'irresponsabilité et mettait en cause son pilotage "suicidaire" qui avait conduit à la catastrophe. A l'époque, pas de caméras ni de "replay" permettant de juger les conditions précises de l'accident. C'était une parole contre une autre. Jim très éprouvé par cette affaire et, fautes de preuves tangibles, renonça à s'expliquer davantage. Il rentra en Angleterre totalement défait sous le poids des accusations injustes qui l'accablaient.

Comme on l'imagine facilement, la saison 1961 se termina dans la plus grande morosité pour le pilote anglais qui avait malgré tout engrangé 7 points au championnat du monde.

1962 : la victoire... ou presque

A l'aube de cette nouvelle saison, Jim était devenu le leader incontesté du Team Lotus et, malgré la tragédie italienne, Colin Chapman lui avait renouvelé toute sa confiance. Innes Ireland, autre pilote Lotus, accepta assez mal de se voir relégué au second plan et donna sa démission. L'avenir de l'écurie anglaise reposait désormais sur les seules épaules de Jim Clark.

Après deux victoires secondaires à Snetterton et Aintree au volant d'un modèle 24 équipée du nouveau Climax de 170 ch, Jim se prépara à affronter un nouveau championnat du monde.

Au début de 1962, il retrouva Zandvoort, un circuit qu'il aimait bien et qui lui avait toujours réussi. Il y étrennait la toute nouvelle Lotus 25, monocoque révolutionnaire, à la carrosserie très enveloppante au poste de pilotage très étroit qui donnait l'impression que le pilote faisait partie intégrante du véhicule. Cette auto était si étonnante qu'elle fut parfois surnommée "Jimmy 25".


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Encore en phase de mise au point, la Lotus 25, connut des problèmes de boîte de vitesses qui contraignirent Clark à rétrograder de la première place (occupée pendant les trois quarts de la course) à la neuvième. Il laissa la victoire à son compatriote Graham Hill.

Les mêmes ennuis mécaniques privèrent Clark de victoire à Monaco et lorsqu'il retrouva le circuit de Francorchamps, à Spa, en Belgique, il ne disposait pas d'une auto assez fiable à son goût. Il dut emprunter la "vieille" Lotus 24 de Trevor Taylor. Les essais furent catastrophiques et Clark dut se résoudre à une obscure cinquième place sur la grille. Un départ tonitruant lui permit très vite de remonter sur les talons du leader. Il avait gagné cinq places en un seul tour ! Son avance ne fit que s'accroître et dépassant Hill, Mac Laren, Mairesse et Taylor, il prit la tête de la course jusqu'à l'arrivée. Dans un style impeccable, il remporta son premier Grand Prix.

A Rouen, quelques semaines plus tard, un grave incident aux essais faillit lui coûter la vie. Sa direction bloquée, il sortit de la piste, évitant de peu un arbre protégé par de simples ballots de paille... Au volant de sa seconde voiture, il connut le même problème technique pendant la course et abandonna.

Sa deuxième victoire, c'est le circuit d'Aintree en Grande-Bretagne qui lui offrit. A l'issue de cette course, il se retrouva avec 18 points à un point seulement de Graham Hill en tête du championnat.

En Allemagne, Hill confirma son avance et Jim mal à l'aise sous la pluie battante qui baigna toute l'épreuve dut se contenter de la quatrième place.

1963 et 1964

Arriva l'heure du Grand Prix d'Italie. Personne, là-bas, n'avait oublié les évènements de l'année précédente et Clark dut se soumettre à un très long interrogatoire de la part de la police italienne qui n'avait toujours pas réussi à éclaircir les conditions réelles de l'accident de von Trips. Clark entra sur le circuit sous le regard noir d'une foule hostile. Après quelques tours où il ne put trouver son rythme, il dut abandonner, boîte de vitesse brisée, laissant la place à son rival Graham Hill qui marquait des points décisifs pour la victoire finale.

1963 : champion !

Dix courses étaient au programme de cette nouvelle saison. La Lotus 25 avait fait des progrès en fiabilité mais elle n'était pas encore parfaitement au point. Jim enchaîna néanmoins les victoires.

Malgré un mauvais début à Monaco où, une nouvelle fois, il fut trahi par sa boîte de vitesses, il aligna successivement six places d'honneur : Belgique, Hollande, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie ! Cinq victoires et une seconde place derrière Surtees à Silverstone.

Continuant sur sa lancée, il finit troisième aux USA et s'adjugea ensuite le Grand Prix du Mexique et celui d'Afrique du Sud. Pour parfaire le tout, la même année, il se hissa sur le podium des 500 miles d'Indanapolis.

Un palmarès prodigieux qui ne manqua pas de déchaîner passions et jalousies. Des bruits désagréables furent soigneusement entretenus par quelques adversaires mal intentionnés à propos de sa vie privée. Certains ne la jugeaient pas "exemplaire" et s'empressèrent de donner leur avis. Jim fut très affecté par ces rumeurs et, malgré ses succès, il dut prendre quelques distances avec la compétition. Il éprouva le besoin, à la fin de l'année 1963, de se ressourcer dans la ferme familiale."Non-stop talk of motor-racing gets me down" "Ne parler que de compétition finit par me déprimer", avouait-il....

Retour au stands sur la Ferrari de Surtees...
Retour au stands sur la Ferrari de Surtees... D.R.

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1964 : quelques nuages

L'année commença par un accident à Indianapolis qui brisa net le beau rêve sur lequel s'était terminée l'année précédente.

Monaco ne fut pas plus favorable au champion écossais. Sur son circuit préféré qui ne lui avait pourtant jamais réussi, il mena la course presque de bout en bout lorsqu'il dut une nouvelle fois s'incliner après que sa barre anti-roulis se soit détachée. L'incident démentit, en tout cas, les rumeurs selon lesquelles Clark ne gagnait que quand tout allait bien. Sa Lotus 33, fortement déséquilibrée devint soudainement très bizarre à conduire. Plus d'un pilote aurait abandonné ou serait rentré aux stands pour réparer. Jim préféra continuer. Il le fit si bien qu'il signa le meilleur chrono au cours du tour suivant, la barre anti-roulis trainant sous la voiture ! Il est probable que la course aurait pu ainsi se poursuivre mais les commissaires veillaient et Jim, pour éviter l'exclusion dut s'arrêter au tour suivant pour remettre sa suspension en état. Il perdit 18 secondes qui lui coûtèrent la victoire. Il reprit la piste en troisième position, derrière Hill revenu à la seconde place après l'abandon de Gurney. Malheureusement le sort s'acharnait sur la Lotus qui voyait sa pression d'huile s'évanouir dans le 96ème tour et Jim Clark dut se contenter de la quatrième place. Cette anecdote prouve en tout cas davantage peut-être encore que toutes ses précédentes victoires toute l'agressivité et la maîtrise de Jim Clark.

Le Grand Prix de Hollande qui suivit fut plus souriant tout comme celui de Belgique que l'écossais remporta assez facilement. Facilement, si l'on tient compte du temps épouvantable qui régna pendant toute la course à Spa. Clark n'était pas un amateur de pluie. Malgré la pose de pneus étroits de 15", il se classa seulement en troisième ligne après les essais, à plus de 5 secondes de Gurney, très à l'aise sur la piste glissante. Après l'abandon de Surtees, Jim se retrouva en seconde position, à trois tours du leader. Le pilote écossais semblait se résigner sagement à cette place d'honneur qui semblait s'offrir à lui quand soudain la Brabham de Gurney s'immobilisa... en panne sèche ! Clark se retrouva en tête poursuivi par Hill et MacLaren qui, à leur tour, furent victime d'une panne d'essence ! Moments incroyables de la compétition où tout semble fait pour vous faire gagner...

Il ne faudrait tout de même pas voir dans cette victoire à Spa le seul concours de circonstances favorables. Si Jim Clark a remporté ce Grand Prix c'est aussi grâce à la grande maîtrise dont il a fait preuve à la fois dans son pilotage et dans sa gestion des paramètres techniques : pneus, essence et économie des pièces mécaniques...

Le Grand Prix de Grande-Bretagne avait, cette année-là, délaissé Silverstone pour Brands Hatch et Jim Clark avait été rejoint dans le Team Lotus par Mike Spence mais restait premier pilote. Après un duel épique avec la toute nouvelle BRM de Graham Hill, Jim Clark remportait ce troisième Grand Prix de la saison 1964.

Ce devait être le dernier d'une année bien insipide. Les quatre grands prix suivants, Allemagne, Autriche, Italie et USA ne virent jamais Clark sur le podium ni même à l'arrivée... Ennuis mécaniques à répétition, pannes d'essence privèrent l'écossais d'une fin de saison qui aurait pu le porter très tôt en tête du championnat pour la seconde fois.

Après ces courses ratées, il ne restait plus à Clark qu'une chance purement mathématique de conquérir le titre. Au Mexique il devait absolument gagner et ni Hill ni Surtees ne devaient atteindre le podium. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Clark fut à deux doigts de réussir l'impossible exploit. En tête pendant toute la course avec parfois plus de 17 secondes d'avance sur ses poursuivants, il dut abandonner suite à la rupture d'une durite d'huile qui le priva d'une nouvelle consécration. Il dut se contenter de la troisième place.


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1965 et 1966

1965 : la plus belle saison

Sur dix courses au programme cette année-là, six revinrent au champion écossais. Oubliant les déconvenues de l'année 1964, Clark se lança dans le championnat 1965 avec certainement plus de maturité et de sagesse qu'auparavant.

Chapman disait de lui : "Je n'ai aucun conseil à lui donner désormais. Il suit le plan qu'il a dans la tête. Il connaît tous les circuits, sait s'adapter à eux, il sait gérer son carburant, économiser sa voiture et surtout, il a cette chose en plus qui lui permet de gagner. Nous n'appliquons aucune stratégie de course nous nous contentons de lui fournir tout ce qu'il demande quand il le demande.."

Pour la saison 1965, Clark disposait de la toute nouvelle évolution de la Lotus 33 à moteur V8.

La voiture, enfin, semblait marcher parfaitement et il ne rencontra aucune opposition sérieuse lors du Grand Prix d'Afrique du Sud qu'il remporta avec brio. A peine descendu de son baquet, Clark s'engouffra dans un avion, direction Indianapolis où l'attendait une nouvelle éblouissante victoire. 242,6km/h, voila la moyenne exacte avec laquelle il parcourut les 500 miles de l'anneau.

En 1965, tout semblait lui sourire. Plus d'abandons, plus d'accidents, plus de pluie même ! Dans la foulée, il enchaîna les victoires : Belgique, France, Angleterre, Allemagne, Hollande...

A Brands-Hatch, malgré tout, une alerte rouge s'alluma sur son tableau de bord : la pression d'huile était en train de chuter. Clark n'était plus le chien fou, fonceur qu'on avait connu à Monaco en 1964. Sentant la panne arriver, il étudia mentalement le problème pour tenter d'y trouver une solution. Il s'était rendu compte que la pression baissait essentiellement dans certains virages. L'idée lui vint de couper le moteur à l'entrée de ces virages ! C'est ce qu'il fit perdant au passage quelques secondes au tour mais c'est ce qui lui permit d'arriver malgré tout en tête, franchissant la ligne d'arrivée 3 secondes avant la BRM de Graham Hill.

En Angleterre, suite à ce nouvel "exploit" peu banal dont le petit monde des paddocks se fit rapidement l'écho, Clark passa rapidement pour un phénomène bien à part. Il fut sollicité de partout et il n'y eut pas un organisateur de courses, aussi modestes soient-elles, qui ne souhaitat avoir Clark sur la grille de départ.

La pression médiatique n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui mais, à nouveau, Jim fut repris de ses vieux démons et commença à ressentir l'overdose de compétitions le gagner... Il envisagea d'abandonner la course automobile.

Par chance la saison touchait à sa fin et il put savourer ce nouveau titre venu récompenser le plus beau championnat de toute son éphémère carrière.

Victoire aux 500 Miles d'Indianapolis
Victoire aux 500 Miles d'Indianapolis D.R.
Monaco en 1965
Monaco en 1965 D.R.

1966 : changement de règlement

En 1966, les moteurs 1500 furent abandonnés au profit des 3000 cm3. Cela posa un problème technique à Chapman qui préparait sa nouvelle Lotus 39. Ne disposant pas de moteur adapté, il décida d'acheter le nouveau BRH H16 qui répondait aux nouvelles spécifications.

Hélas, BRM était aussi concurrent et traîna un peu les pieds pour livrer le moteur. Clark dut débuter la saison avec un vieux Climax FPF d'une puissance très largement inférieure à celle de ses concurrents

Quand enfin, le H16 arriva, il se révéla très décevant. Il ne put l'imposer qu'au Grand Prix des Etats-Unis, seule victoire d'ailleurs remportée par cette mécanique.

Le reste de la saison se passa à chercher le bon moteur. Chapman essaya entre autres le Repco Brabham BT19 sur un châssis de 33. Le mariage semblait satisfaisant mais le refroidissement pas du tout à la hauteur... et Clark dut laisser filer une victoire à sa portée au Grand Prix de Hollande.

Au Grand Prix de France, ce fut... un oiseau qui l'obligea à abandonner. Un pigeon imprudent traversa le circuit au moment où Clark arrivait à plus de 250 km/h le blessant grièvement au visage. Cette blessure hypothéqua même sa participation au Grand Prix de Grande-Bretagne qui devait se disputer deux semaines plus tard. Il s'y rendit néanmoins mais sans la moindre chance d'approcher le podium.

Mauvaise année que cette année 1966 qui fut incontestablement celle de Jack Brabham.

1967 et 1968

1967 : l'alliance avec Cosworth

Chapman ne pouvait se permettre de rééditer la piteuse saison 1966. Au cours de l'hiver, il entreprit des négociations avec Ford et le préparateur Cosworth pour disposer, à l'avenir, d'un moteur enfin sûr et compétitif.

En attendant, l'arrivée de cette nouvelle mécanique, Clark débuta la saison sur un châssis de 33 équipé du bon vieux Climax deux litres qui lui avait si bien réussi.

A Monaco, dernière course du modèle 33, Clark fut à nouveau victime de la poisse qui le poursuivait sur ce circuit. Tout marchait bien jusqu'à ce que la suspension casse à nouveau, comme aux sombres heures de 1964 !

Chapman sentait l'urgence qu'il y avait à disposer d'un nouveau châssis et d'une nouvelle mécanique. La Lotus 49 était prête, elle n'attendait plus que son nouveau moteur. Il arriva pour le Grand Prix de Hollande Il s'agissait du "four-OHC Ford Cosworth DFV" (double four-valve) qui présentait la particularité de permettre d'attacher directement la suspension arrière sur lui-même et sur la boîte. Un principe simple et robuste, garant de fiabilité. Sur le papier en tout cas.

Clark étrenna sa nouvelle voiture à Zanvoort où il l'imposa largement. La fiabilité annoncée semblait bien réelle même si quelques ennuis se firent jour lors de séances d'essais. Chapman tenait son cocktail idéal et le titre 1967 ne semblait pas pouvoir lui échapper.

C'est à Monza que Clark fut sans doute le plus éblouissant. Le lourd contentieux avec le public italien continuait à le poursuivre .

Alors qu'il était en tête, il fut averti par Brabham qu'un pneu arrière était en train de se dégonfler. Clark rentra immédiatement aux stands et perdit un tour. Il fut contraint à un véritable exploit pour reconquérir la place de leader. Un par un, dans un style hallucinant. Hulme, Hill, Brabham, Surtees... tous furent obligés de plier devant l'audace et le pilotage de Jimmy. Au dernier tour, il prit la direction de la course et réussit à franchir en vainqueur la ligne d'arrivée. Tous les tifosi l'acclamèrent. Clark s'était réconcilié avec l'Italie. Mêmes ses concurrents directs se montrèrent très impressionnés. Graham Hill ajouta : "Clark fait partie de ces pilotes qui ne supportent pas d'être dépassés. Si vous le doublez, soyez certain qu'il collera à votre voiture jusqu'à ce qu'il puisse prendre sa revanche"

Cette année 1967 fut donc faste pour Clark qui termina la saison avec 41 points. Une belle moisson qui lui fit regretter de ne pas avoir disposé du moteur Cosworth dès les premières courses. Le titre final lui échappa à nouveau.


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1968 : le drame

1968 commença comme l'avait laissé présager la saison précédente. Le Cosworth tenait toutes ses promesses et permit à Jim Clark, dès le mois de janvier, de remporter le Grand Prix d'Afrique du Sud, à Kyalami, battant du même coup, avec 25 titres à son actif, le record absolu de victoires en grands prix jusque là détenu par Juan Manuel Fangio.

La Lotus 49T avait perdu son traditionnel "british green" pour les couleurs blanc et or du cigarettier Gold Leaf, nouveau sponsor de l'écurie de Colin Chapman. Nouvelle livrée mais aussi nouveau moteur avec une évolution 2.5 litres du Cosworth encore plus performante. Les victoires furent au rendez-vous et Clark remporta quatre des sept premières courses auxquelles il participa.

Parallèlement, il testait le prototype 56, mu par une turbine à gaz que Chapman voulait essayer à Indianapolis et continuait également à participer au championnat de Formule 2.

Le 31 mars, il quitta la Suisse, où il résidait pour les mêmes éternelles raisons d'impôts, et s'envola pour Hockenheim afin de participer au Trophée d'Allemagne de Formule 2.

Comme à son habitude, il prit un départ impeccable et s'installa en tête de la première manche de l'épreuve. Soudain, sans que personne n'ait jamais compris pourquoi, à plus de 240 km/h, sa Lotus 48 s'envola en pleine ligne droite, faucha plusieurs arbres avant de s'immobiliser, disloquée. Jim Clark fut tué sur le coup.

On se perdit en conjectures sur les origines de cet accident. Les rares témoins furent interrogés mais incapables de faire avancer l'enquête. La carcasse démantelée de la Lotus fut analysée en profondeur sans qu'on puisse déceler le moindre indice d'une rupture mécanique.

Aujourd'hui encore, l'accident qui coûta la vie à Jim Clark reste un mystère.

Après ce drame qui avait fauché à 32 ans le pilote le plus doué de sa génération, le monde de la course fut consterné, abattu. Une tristesse infinie envahit les circuits.

Entouré de centaines de pilotes, célèbres ou anonymes, Jim fut inhumé dans son Ecosse natale, loin de la fureur de la course. C'est peut-être Chris Amon qu'il faut écouter une dernière fois parler de Jim Clark : "Derrière notre douleur, il y a aussi la crainte que cela nous arrive un jour. Si c'est arrivé au plus grand, quelles chances nous restent-ils que cela ne nous arrive jamais ?"

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Commentaires

avatar de David1621
David1621 a dit le 17-07-2023 à 23:37
Fangio un pilote d'avant qu'elle guerre? Vous devez confondre avec Nuvolari et Caracciola... Fangio c'est plutôt les années 50... avant d'écrire des articles, ça serait pas mal de s'instruire ...
avatar de PHIL10
PHIL10 a dit le 04-11-2012 à 21:07
le plus grand pilote de tous les temps, il aurait du être 5 fois ch du monde 62 64 68 en plus de 63&65, quelle classe, quelle coup de volant jamais égalé peut-être senna.
avatar de M Neefdforspeed
M Neefdforspeed a dit le 17-04-2012 à 20:55
vous êtes vraiment un site de Légendes, surtout ne changez pas votre nom ! On apprend que Clark à gagné le Gp d'Italie à Monza en 67.Malheureusement,un manque d' essence l' en empêcha De même, il n' a pas couru à Monaco en 65, comment a t il pu se dédoubler pour être pris en photo ?? Une Lotus Repco 33,cela sonne bien, mais Chapman n' a jamais monté ce moteur... Plus globalement, la lecture de votre article romanesque sur Jim Clark,bourrée de gags, est rafraichissante, car elle magnifie encore plus ce pilote exceptionnel.Sa mémoire en avait elle vraiment besoin ?
avatar de matrav12
matrav12 a dit le 16-04-2012 à 23:55
La pluie continue à Spa c'est en 63 qui lui a permis de gagner avec un tour d'avance! Spa 64 s'est déroulé sur le sec avec la fameuse chevauchée fantastique de Gurney qui a compté jusqu'à 40 secondes d'avance sur le trio Hill-McLaren-Clark. Ce beau temps a déclenché une épidémie de panne d'essence. Après le record du tour de Dan en 3'49, c'est le rocambolesque arrêt au stand qui n'avait pas le moindre bidon en réserve, il repart furieux pour tomber en panne sèche sur le circuit; Hill et McLaren sortent en roue libre de la Source et grâce à la descente complètent le podium derrière Clark qui a gagné pour quelques cl économisés par sa gestion de course.
avatar de M Neefdforspeed
M Neefdforspeed a dit le 16-04-2012 à 21:54
Jim Clark n ' était pas en tête de la course lors de la tragédie d' Hockenheim, loin de là.Il navigait en milieu de peloton. Michel