Histoire : Londres-Mexico de 1970

le 08/08/2005

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Le 19 avril 1970, 96 voitures ont pris le départ à Wembley pour le Marathon Londres Mexico, la plus longue épreuve routière jamais organisée. Une semaine plus tard, 71 d'entre elles pouvaient s'embarquer à Lisbonne, terme du parcours européen sur le bateau qui allait les transporter à Rio de Janeiro.

C'est la traversée de la Yougoslavie qui avait présenté jusque là les plus grosses difficultés, avec en particulier une longue et difficile étape sélective dans laquelle s'était dessinée une première ébauche d'un classement qui ne devait plus guère changer ensuite.

Les autres épreuves, en revanche, ont dû décevoir quelque peu les organisateurs qui pensaient avoir vraiment mis sur pied le rallye le plus dur de tous les temps : à chaque fois en effet plusieurs équipages parvenaient à les accomplir dans les temps impartis. Ce qui n'excuse pas le fait que dans leur majorité elles ont été disputées sur des routes ouvertes à la circulation. A Lisbonne René Trautmann et Jean-Pierre Hanrioud devançaient la Ford Escort de Hanu Mikkola et l'autre Citroën conduite par Guy Verrier et Francis Murac. Parmi les douze voitures classées en tête on comptait quatre Citroën (soi disant privées mais en réalité jalousement couvées par René Cotton), cinq Ford d'usine et trois Triumph officielles. La première voiture indépendante, la Sunbeam Hunter de Bloxham, était en treizième position.

Aaltonen/Liddon Escort GT
Aaltonen/Liddon Escort GT D.R.

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Chez les dames, Claudine Trautmann, grâce à une très belle performance dans l'étape de Provence, menait devant Jean Denton (BMC 1800) et Rosemary Smith (BMC Maxi).

Mais 7000 kilomètres seulement avaient été parcourus, il en restait encore 17000, l'équivalent de quatre East African Safaris. Bien des choses pouvaient donc encore arriver...

Le départ de Wembley avait attiré un public assez nombreux, beaucoup moins cependant que pour Londres Sydney. En dehors des voitures d'usine, beaucoup de véhicules privés portaient les signes d'une préparation soignée, mais certains en revanche trahissaient l'inexpérience de leurs pilotes, au point d'en être risibles parfois si l'on ne songeait pas que leur inadaptation risquait d'avoir des conséquences dramatiques pour leurs équipages.

Les plus inattendues étaient peut-être le Buggy conduit par l'excellent pilote Ray Calcutt et les deux Rolls Royce L'une était une Silver Cloud apparemment très standard, elle était menée par trois gentlemen du nom de Martin, qui affichaient leur conviction de n'avoir pas à y toucher si ce n'est pour la laver à Mexico. ( Ils devaient d'ailleurs vite déchanter car dès l'Allemagne une fuite à une durite allait provoquer un court circuit).

L'autre au contraire, une Silver Shadovv, appartenait à un rallyman connu, Bill Bengry, et elle était très soigneusement préparée, avec un tableau de bord des plus complets, et un tout petit volant de course en cuir. Le travail avait été fait entière ment par Bengry, l'usine Rolls ne s'intéressant guère en général à ce que font ses voitures une fois vendues. Cependant. les responsables de la marque s'aperçurent après coup que Bengry ignorait l'existence de pièces spéciales (de transmission notamment) destinées aux pays tropicaux, et décidèrent de les lui faire parvenir à Lisbonne : voilà donc Rolls qui se mettait à faire de l'assistance course !

Première fausse note : la traversée de Londres et de ses environs se faisait à une moyenne inutilement difficile, de sorte que de nombreuses voitures se firent prendre par les radars de la police, et que plusieurs devaient être pénalisées dès Douvres, dont une des Moskvitch soviétiques.

Ensuite la randonnée à travers la Belgique, l'Allemagne et l'Autriche ne présentaient pas de problèmes, se faisant en majorité sur autoroutes. Mais dès l'arrivée dans les pays de l'Est nombre de concurrents parmi les plus mal préparés commençaient à connaître des ennuis divers, dont l'énumération serait trop longue.

Le buggy était victime d'une fuite au réservoir d'essence, il essayait de continuer jusqu'à Monza où rendez-vous avait été pris avec un spécialiste de l'aluminium qui aurait pu faire la réparation, mais quand son pilote réalisa que pour ne pas être mis hors course il lui fallait gagner Sofia distant de 400 kilomètres en moins de deux heures, il renonça.

504 engagée par l'armée anglaise..!
504 engagée par l'armée anglaise..! D.R.
Moskvitch
Moskvitch D.R.

La palme des plus malheureux devait cependant revenir aux frères Sherger, deux débutants qui étaient venus spécialement du Koweit sur une Fiat 2300 break : ils se trompaient de chemin sur l'autoroute en Allemagne et au lieu d'arriver à Munich comme prévu ils se retrouvèrent à Linz! Complètement épuisés ils descendirent alors à un hôtel et demandèrent par téléphone à Londres aux organisateurs la permission de s'y reposer quelque temps ! On leur expliqua que cela ne pouvait être décompté de leur temps mais ils se couchèrent tout de même après un bon repas, évidemment ils ne devaient pas aller bien loin.

Contre toute attente deux équipages d'usine allaient être touchés durant ces préliminaires : Aaltonen fendait son carter de boite ce qui allait le retarder jusqu'à Monza. Du moins n'était-il pas stoppé, alors que moins heureux, Colin Martin, l'un des vainqueurs de Londres Sydney, devait abandonner lorsque son Escort heurtait un camion venant en sens inverse. La voiture était détruite mais l'équipage indemne. C'est également avant Belgrade que les Français Célérier et Gauvain connaissaient leur premier malheur en cassant le pare-prise de leur Porsche...

Les étapes :

- Wembley Samedi 19 avril

- Sofia Mardi 22 avril

ES1 Montenegro

ES2 Serbie

- Monza Mercredi 23 avril

ES3 San-Remo

ES4 Alpes de Haute-Provence

- Lisbonne Vendredi 25 avril

ES5 Portugal

- Montevideo 11 mai

ES1 Pirana

ES2 Rio Grande

ES3 Uruguay

- Santiago du Chili 13 mai

ES4 Pampas

ES5 TransArgentine

ES6 Chili

ES7 Gran Premio

ES8 Bolivie

- Lima 20 mai

ES9 Route des Incas

- Cali 21 mai

ES10 Equateur

- Panama City 25 mai

- Fortin 26 mai

ES11 Costa-Rica

ES12Mexique

- Mexico City 28 mai


D.R.

D.R.

Commencé avec le feu d'artifice tiré par Citroën en Yougoslavie, le marathon Londres-Mexico s'est terminé sur un succès complet de Ford. Outre qu'elles enlèvent le classement général, cinq des sept Escort engagées par l'usine figurent parmi les huit premières voitures classées, les deux autres n'ayant été éliminées que sur accident.

Victoire d'une équipe et d'une marque, mais triomphe d'une organisation et d'un homme : Stuart Turner, le directeur sportif de Ford le Ken Tyrrell des rallyes. Le secret de sa réussite est simple : Il avait réuni les meilleurs pilotes, les voitures les mieux préparées. Il avait mis sur pied la meilleure assistance, s'appuyant sur le concours des réseaux Ford locaux.

On a pu reprocher aux Escort, d'avoir du leur succès en grande partie à l'efficacité de leurs mécaniciens, d'avoir subi en cours de route de nombreuses interventions mécaniques - souvent à titre préventif d'ailleurs. C'est peut- être vrai, encore que la voiture gagnante, celle de Mikkola, et ce fut tout l'art et le mérite de son pilote, n'ait connu pratiquement aucun incident. Mais cela reflète au moins - et parmi d'autres - une qualité Importante de ces voitures : leur facilité d'entretien et de réparation.

Chez Ford, un pont AR complet pouvait se remplacer en moins d'une demi-heure, ses concurrents ne pouvaient en dire autant.

Un peu rejetée dans l'ombre, mais pourtant tout aussi impressionnante fut la performance des Triumph.

Sur trois voitures officielles deux figurent aux deuxième et quatrième places, la troisième elle aussi disparut à la suite d'un accident.

Ce résultat prend toute sa valeur si l'on considère que les 2,5 PI étalent infiniment plus proches du modèle de série vendu à la clientèle que ne l'étalent leurs rivales - et que la régularité de leur progression n'a été entravée que par un minimum d'incidents mécaniques.

Pour Citroën par contre la défaite a été totale. Après avoir donné beaucoup d'espoirs dans la première partie du rallye les voitures françaises subirent d'abord le lourd handicap de l'élimination de Trautmann, puis disparurent une à une, victimes de leur poids excessif et à l'inverse des Ford, de leur complication mécanique qui rendait la tâche de l'assistance difficile.

Le décès de ldo Marang venait finalement jeter une ombre tragique sur un bilan déjà lourd. A la décharge de Citroën, Il faut dire que l'entreprise n'avait été tentée que tardivement, avec des moyens limités, et un peu sous la pression des pilotes - qui n'étaient pas en outre, les véritables vedettes professionnelles qui auraient pu s'opposer aux Mikkola et autres Aaltonen.

Pourtant, le temps clément ayant rendu l'épreuve moins dure finalement qu'on ne l'avait redouté, une dizaine d'entre eux, dont plusieurs bénéficiaient d'une certaine aide de la BLMC, figurent au classement, et leur mérite est grand.

Ils y retrouvent la seule survivante des Peugeot de l'équipe argentine, inexistantes du départ à l'arrivée, et trois Moskvich qui, loin évidemment d'être assez rapides pour se mêler à la course, ont fait la preuve tout au moins d'une préparation très efficace.

Après l'abandon des Citroën le marathon a perdu beaucoup de retentissement en France et c'est normal. Il a également beaucoup souffert de se dérouler à une saison déjà très chargée sur le plan sportif C'est sans doute dommage car tous les participants ont pu y voir l'une des plus belles aventures qu'ait connu la compétition automobile.


D.R.
Coupe des Dames : Smith/Watson/Derolland sur Austin Maxi
Coupe des Dames : Smith/Watson/Derolland sur Austin Maxi D.R.

LA VOITURE VICTORIEUSE

Comme on s'en doute les sept Ford Escort engagées dans le Marathon - et qui avaient été spécialement construites à Boreham en vue de cette épreuve - présentaient avec les modèles du commerce des différences aussi nombreuses que fondamentales.

Seules en fait les carrosseries étaient celles de série, et encore .avaient-elles été modifiées par l'adjonction d'arceaux tubulaires qui en renforçaient la rigidité tout en servant de supports pour les grilles de protection extérieures. Les moteurs, qui conservaient l'architecture de celui de la Cortina, étaient coulés (culasses et blocs) dans une fonte spéciale, et leur cylindrée était de 1834, cm3 (84,5 x 80,8).

Les vilebrequins à cinq paliers avaient reçu un traitement spécial de nitruration, le graissage se faisait par carter sec avec un réservoir d'huile de 13 litres dans le coffre à bagages. Avec un taux de compression de 9,25 ces moteurs développaient 140 CV à 6000 tours, tout en étant capables de fonctionner normalement avec des carburants de 80 d'indice d'octane. , Les boites de vitesses à cinq rapports provenaient de l'usine ZF et possédaient des rapports courts, la quatrième étant en prise directe.

Côté châssis on notait en particulier le montage d'amortisseurs pneumatiques Bildstein, le remplacement des ponts arrière par des ensembles spéciaux fabriqués à Cologne avec des carters en magnésium de plus grande capacité, et enfin la présence de freins à disques Girling sur les quatre roues a,vec un système de commande à double circuit. Les roues étaient des " Minilite " équipées de pneus Goodyear, deux roues de secours étaient transportées dans la malle. Le poids des voitures voisinait 900 kg avec des vitres en plexiglas, etc.... Cinq de ces voitures avaient été préparées directement à Boreham, celle de Aaltonen était mise au point par Clarke et Simpson, celle de Zasada, par l'équipe British Vita (qui préparait les voitures de Piot en France).


D.R.
Mikkola / Palm, les vainqueurs
Mikkola / Palm, les vainqueurs D.R.

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