Mondial : l'absence remarquée de plus d'une dizaine de marques

Jean-François Destin le 03/10/2016

voir plus de photos

Cette défiance des constructeurs n'a pas échappé à Jean Claude Girod fraîchement nommé Commissaire Général (en juin dernier). Ancien sportif de haut niveau en Kendo (6 fois Champion d'Europe et 9 fois Champion de France), Colonel de réserve de l'armée de terre, expert comptable de formation et depuis l'enfance passionné d'automobile, ce sexagénaire énergique fait partie du sérail pour avoir travaillé chez Chrysler, Renault Truck et au sein du groupe Volvo. Aujourd'hui, il a conscience que le Mondial doit se réinventer dans tous les domaines. Nous l'avons rencontré à quelques heures de l'ouverture des portes au public.

ML : Comment interprétez-vous l'absence de ces grands constructeurs tous présents en 2014 ?

JC.G : Je dirai qu'ils ne représentent pas une part de marché importante. Certains comme Aston Martin sont présents sur un stand d'équipementier mais au final, je ne commente pas la stratégie commerciale de mes clients. Ils se privent d'une formidable vitrine mais c'est leur affaire. Et ils reviendront peut-être dans deux ans.

ML : Pour expliquer leur absence, ils invoquent avant tout l'augmentation de la charge financière notamment au niveau de la location des mètres carrés, de l'éclairage et des connections numériques. Qu'en pensez-vous ?

JC.G : Le prix des mètres carrés est anecdotique. Le problème financier est ailleurs et notamment au niveau du personnel qu'il faut loger dans des hôtels qui double ou triple les prix durant le Mondial, de la logistique, des transports et surtout de la mise en scène des stands. Les constructeurs veulent mettre en valeur leurs produits et leur savoir-faire. Pour cela, ils dépensent beaucoup mais sont assurés d'un excellent retour sur investissement.

ML : Quand même, n'y a-t-il pas lieu de faire évoluer le format du Mondial ? La plupart des constructeurs estiment que 16 jours englobant 3 week-ends est une durée excessive.

JC.G : Sur ce point, j'ai dit, dès ma prise de fonction que j'étais prêt à en discuter avec tous les acteurs concernés. Il fut un temps où le Salon était plus court mais avec beaucoup de nocturnes. Aujourd'hui, il n'y en a plus que quatre. On peut en rajouter. Rien n'est exclu. Avant la fin de l'année, je réunirai tous les exposants français et étrangers. Je me rallierai à la majorité sans état d'âme.

ML : L'autre point litigieux concerne les locaux qui ont bien vieilli Porte de Versailles. A l'heure du numérique, du drone, des visites virtuelles en 3D, on voit bien que l'architecture des halls doit casser les codes. Seat qui garde un petit stand digital a pris les devants en construisant au sein du parc un nouveau pavillon dédié à l'Ateca son premier SUV. D'un autre côté, comment répondre à ces préoccupations alors que la construction de la Tour Triangle a été votée ?

JC.G : C'est incroyable d'imaginer un immeuble de cette taille à cet endroit. J'avoue que je ne comprends pas la décision de la ville de Paris. Mais il faut faire avec et trouver des solutions.

ML : Les absents ont libéré des espaces. C'est flagrant dans le hall 5 où l'on avait plaisir à retrouver McLaren et Lotus mais aussi dans le hall 1 où se retrouvent dès l'entrée des équipementiers comme Firestone et Faurecia puis plus loin Red Bull avec force distributeurs de boissons énergisantes, tables rondes et tabourets. Pas très prestigieux tout de même.

JC.G : concernant les espaces vides, la presse y a trouvé des avantages pour travailler et filmer, le public aura ses aises et une grande liberté d'allée et venue. Quant au hall 1, il n'est pas antinomique qu'il abrite des équipementiers et même Red Bull très impliqué depuis des années dans le sport. Ce partenaire majeur dans l'automobile attire beaucoup les jeunes.

ML : Economiquement parlant, on voit bien que les centres d'intérêt des Salons se déplacent vers l'Asie et les USA avec désormais des rendez-vous incontournables à Pékin, Shanghai, New York et Los Angeles. Des petites expositions en devenir fleurissent à New Dehli, Bogota, Buenos Aires, Sao Paulo. Autant de nouvelles attractivités pour les constructeurs notamment français qui peuvent faire des économies lors des Salon majeurs pour mieux s'introduire sur les marchés émergeants. Est-ce un danger ?

JC.G : Ces tendances sont à prendre en compte mais plutôt que de s'auto-flageller et d'entretenir le french bashing en disant qu'ailleurs c'est mieux, il nous faut progresser et garder notre aura. Je souhaite que dans le prochain gouvernement, on ait un ministre de l'industrie à temps plein et non pas quelqu'un qui dépend de Bercy. Et je vais demander à tous les politiques de passage au Mondial quel programme il compte développer pour l'automobile. Si on n'y prend pas garde, ce déplacement des centres d'intérêts que vous évoquez pourrait devenir réalité.