Saga Ford GT40

Tant par son ampleur que par sa signification, l'offensive de Ford aux 24 Heures du Mans dans les années soixante a laissé des traces profondes dans notre inconscient collectif.

sommaire :

1966-67 : jours de gloire

Didier Lainé le 25/02/2003

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Pour la saison 1966, la FIA élabora un nouveau règlement permettant l'homologation en Groupe 4 (Sport) à partir d'une production de 50 exemplaires au moins d'un même modèle, les Sport-Prototypes (aucun nombre minimum d'exemplaires) étant quant à eux classés en Groupe 6. La Ferrari 275 LM pouvant désormais être homologuée en Groupe 4, Ford décida de lancer en réponse une petite série de GT 40 4,7 l pour contrer son rival dans ce même groupe, la version MK II figurant quant à elle en Groupe 6.

Pour Ford, l'année 1966 sera la bonne. Cette troisième saison viendra enfin couronner tous les effor
Pour Ford, l'année 1966 sera la bonne. Cette troisième saison viendra enfin couronner tous les effor D.R
Récidive à Sebring où les MK II prennent les deux premières places
Récidive à Sebring où les MK II prennent les deux premières places D.R

C'est à Slough que cette production très spéciale allait être concentrée et commercialisée, au choix de la clientèle, en version "civile" ou "racing", le prix catalogue de base étant fixé à quelque 7000 Livres (taxes incluses), à comparer aux 9 500 Livres que Ferrari exigeait de l'acheteur d'une 275 LM. En échange de ce prix élevé (équivalant à celui d'une Maserati Mistral), l'acquéreur d'une GT 40 "street version" disposait d'un V8 4,7 l de 335 chevaux, d'une boîte ZF à 5 rapports et d'un équipement intérieur complet (avec cendrier et allume-cigare), la voiture construite quasiment "à la carte" pouvant, aux dires du constructeur, dépasser les 260 km/h et accélérer de 0 à 100 en moins de 6 secondes, ce qui la situait parmi les plus brillantes machines de Grand Tourisme du moment. En définitive, une petite trentaine de GT 40 "civiles" seront ainsi commercialisées, le solde (soit plus de 80 versions "racing" produites entre 1964 et 1968) étant destiné à la compétition et réparti entre différentes écuries privées. Dès l'année 1965, les responsables du programme GT 40 avaient constaté que la voiture était largement surclassée par la MK II 7 litres. Pour 1966, tous les efforts seront donc concentrés sur cette dernière, la GT 40 se voyant confier la mission de défendre les couleurs de Ford en Groupe 4 à défaut de pouvoir briguer la victoire absolue.

Veillée d'armes

Durant toute la deuxième partie de l'année 1965, la MK II avait été sérieusement revue en vue de tenir la distance mais ni sa transmission ni son moteur ne présentaient de défauts majeurs.

L 'essentiel des modifications apportées allait surtout porter sur le profilage de la carrosserie, le refroidissement et le système de freinage. En parallèle, Kar Kraft commença à travailler sur un troisième projet plus ambitieux encore qui donnera naissance au prototype "J" (ainsi désigné par référence à l'annexe J du règlement de la CSI), conçu pour recevoir le 7 litres de la MK II mais dont la structure (un chassis-coque en aluminium alvéolé) et le dessin de la carrosserie révélaient une approche radicalement différente.

Mis en route au début de l'année 1966, le prototype
Mis en route au début de l'année 1966, le prototype "J" fera l'objet d'une long développement. D.R
Court arrêt au stand du Spider MK II de Miles/Ruby.
Court arrêt au stand du Spider MK II de Miles/Ruby. D.R

S'il fut terminé au printemps 1966 juste à temps pour participer aux essais d'avril, le prototype "J" manquait encore de mise au point et l'état-major en tira la conclusion qu'il valait mieux miser sur la MK II pour remporter les 24 Heures, les erreurs tactiques de l'année passée ayant au moins servi de leçon. La première partie de la saison ne pouvait d'ailleurs que conforter ce choix : à Daytona et à Sebring, les Ford MK II s'étaient brillamment comportées même si elles n'avaient pas rencontré d'adversaire à leur mesure. Par la suite, Ford s'était prudemment retiré du jeu pour mieux préparer Le Mans, laissant à la nouvelle Ferrari P3 (une évolution sophistiquée de la précédente P2 dotée d'une alimentation par injection, de freins à disque ventilés et d'une toute nouvelle carrosserie remarquablement dessinée) le soin de s'imposer à Monza (sur son terrain) et à Spa. Mais le constructeur de Maranello avait lui aussi ménagé ses efforts en vue des 24 Heures du Mans. Et pour cause : le Commendatore savait que Ford serait prêt, cette fois.

Sur la grille de départ, le "géant" américain était représenté par une "irrésistible armada" de huit MK II épaulées par cinq GT 40, toutes alignées par des écuries "officiellement" indépendantes. A cette implacable force de frappe, Ferrari opposait néanmoins trois nouvelles P3, quatre 365 P2, une 275 LM et trois Dino venues disputer la classe 2 litres aux Porsche et aux Matra-BRM. Moins bien armée en théorie, la marque italienne pouvait néanmoins compter sur le haut niveau de performances de sa nouvelle P3 (qui s'était fort bien comportée en début de saison), sans oublier le renfort possible des anciennes 365 P2 qui étaient à peine moins rapides.

Départ des 24 Heures du Mans 1966. Huit MK II et cinq GT 40 font face à sept Ferrari
Départ des 24 Heures du Mans 1966. Huit MK II et cinq GT 40 font face à sept Ferrari D.R
Durant la nuit, de nombreuses Ford seront éliminées de la course après accident ou suite à des probl
Durant la nuit, de nombreuses Ford seront éliminées de la course après accident ou suite à des probl D.R

Cette année-là, c'est la raison du plus fort qui l'a emporté. L'arithmétique jouait en faveur de Ford et Ford méritait, cette fois, de triompher, compte tenu de la supériorité manifeste qu'avait révélé la MK II aux essais. Au demeurant, l'épreuve ne se résuma pas à une simple démonstration de force de bout en bout. Sur treize voitures inscrites, seules trois figurèrent à l'arrivée, certes aux trois premières places mais l'hécatombe faillit bien être fatale au "camp" Ford après avoir décimé toutes les Ferrari (sauf deux 275 GTB inscrites en GT). Ce "triplé gagnant" (ajouté à une moyenne record de 201 km/h pour le vainqueur) constitua tout de même un véritable triomphe pour Henry Ford II qui s'était déplacé dans la Sarthe, cette année-là, convaincu que ce "serait la bonne". Les trois "rescapées" étaient toutes des MK II, les GT 40 ayant abandonné l'une après l'autre, faute d'avoir pu résister au rythme des voitures de tête. Certains journalistes en conclurent hâtivement que la GT 40 avait fait son temps. Jugement infondé. Si l'année 1966 fut bien celle de la MK II qui "survola" le championnat international des Sport-Prototypes, la GT 40 n'en rapporta pas moins à Ford quatre victoires en Groupe 4 à Sebring, Monza, Spa et au Nürburgring.

Au début de l'année 1967, le département Ford Advanced Vehicles allait cèder à John Wyer tous les moyens de production de la GT 40, à charge pour lui d'en poursuivre la fabrication en fonction de la demande. De fait, c'est cette année-là que seront livrées la plus grande partie des GT 40 "street" et "compétition-client" destinées aux écuries privées ou aux particuliers. Malgré son âge "vénérable" (en compétition, chaque saison équivaut au moins à trois ans de carrière pour une voiture de tourisme), la Ford offrait encore bien des arguments dans sa catégorie. Désormais fiable et encore assez performante (son V8 sortait désormais plus de 380 chevaux) pour tenir son rang dans son Groupe, la GT 40 devait d'ailleurs démontrer, cette année-là, qu'elle avait toujours ses chances, à condition d'être bien préparée.

L'une des trois MK II
L'une des trois MK II "rescapées". D.R

Sept nouvelles victoires en Sport témoignent de ce potentiel intact. La même année, Ford mit également sur le marché une version évoluée de la GT 40 "street" désignée MK III et agrémentée de nombreux aménagements de confort (à commencer par un coffre à bagages digne de ce nom...) sans oublier une garde au sol rehaussée, des suspensions assouplies, un échappement moins sonore et un moteur plus souple et moins puissant. Dotée d'un carrosserie partiellement redessinée, cette GT 40 "édulcorée" vendue 18 500 $ sur le marché américain n'intéressera en tout et pour tout que 7 acquéreurs. Aujourd 'hui encore, les rares MK III mises en vente n'attirent guère les collectionneurs qui préfèrent, de loin, acquérir une GT 40 "street", quitte à la payer beaucoup plus cher...

Et de deux pour Ford

Cette année-là, Ford choisit de redescendre dans l'arène pour confirmer son éclatante réussite de la saison passée. Ferrari accepta de relever le gant, le grand rendez-vous restant toujours les 24 Heures du Mans. Cette fois, le combat s'avéra plus inégal encore, Ford opposant à la sublime Ferrari P4 (un peu limitée en puissance) sa nouvelle MK IV (descendant en droite ligne du prototype "J") qui offrait la fiabilité mécanique de la MK II tout en se révélant capable de dépasser les 340 km/h dans les Hunaudières avec sa carrosserie beaucoup mieux profilée. En arrière-plan, on retrouva l'habituel bataillon de MK II et GT 40 ainsi que la nouvelle (et éphèmère) "Mirage", une évolution de cette dernière conçue par l'équipe de John Wyer et inscrite en Sport-Prototypes.

La MK IV dotée elle aussi du V8 7 litres fera ses débuts aux 12 Heures de Sebring 1967.
La MK IV dotée elle aussi du V8 7 litres fera ses débuts aux 12 Heures de Sebring 1967. D.R
24 Heures du Mans 1967 : la MK IV N°1 d'A.J Foyt et Dan Gurney fera cavalier seul en tête pendant to
24 Heures du Mans 1967 : la MK IV N°1 d'A.J Foyt et Dan Gurney fera cavalier seul en tête pendant to D.R

Pendant toute l'épreuve, la Ford MK IV rouge et blanche d'A.J Foyt et Dan Gurney conserva la tête avec une confortable avance sur les Ferrari P4 poursuivantes. Une suprématie consacrée par une extraordinaire moyenne générale de plus de 218 km/h. Cette nouvelle victoire de Ford fut cependant moins mémorable que la précédente. Peut-être parce que la course avait un peu manqué de piment (malgré un lot d'abandons en court d'épreuve qui ébranla, un temps, le moral du constructeur américain...) et que l'écart entre les Ford et les Ferrari paraissait trop important. Ferrari avait été battu au Mans mais les P4 n'avaient pas démérité. Elles eurent d'ailleurs l'occasion de s'illustrer brillamment durant cette même saison à Daytona Beach, aux 1000 km de Monza et à Spa.

Confiées à de nombreuses écuries privées, les GT 40 vont brillamment s'illustrer en catégorie Sport
Confiées à de nombreuses écuries privées, les GT 40 vont brillamment s'illustrer en catégorie Sport D.R
Aussi belle que performante, la Ferrari P4 n'a pas démérité en 1967.
Aussi belle que performante, la Ferrari P4 n'a pas démérité en 1967. D.R

GT 40 4,7 L : Palmarès

1966

-12 Heures de Sebring : Revson-Scott 3èmes (1er en Sport)

-1000 km de Monza : Gregory-Whitmore 2èmes (1er en Sport)

-1000 km de Spa : Scott-Revson 3èmes (1er en Sport)

-1000 km du Nürburgring : Schlesser-Ligier (1er en Sport)

Ford MK II : victoire absolue à Daytona Beach, à Sebring et aux 24 Heures du Mans.

1967

-24 Heures de Daytona : Thomson-Ickx 1ers en Sport

-12 Heures de Sebring : Maglioli-Vaccarella 1ers en Sport

-1000 km de Monza : Schlesser-Ligier 1ers en Sport

-1000 km de Spa : Salmon-Olivier 1ers en Sport

-Targa Florio : Greder-Giorgi 1ers en Sport

-Grand Prix d'Autriche : Hawkins 1er en Sport

Ford MK IV : victoire absolue aux 12 Heures de Sebring et aux 24 Heures du Mans

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