Jean Rédélé

Jean Rédélé a offert à l’automobile française une belle et grande aventure. Et un palmarès riche en lauriers. Il s’en est allé le 10 août 2007.

sommaire :

Jean Rédélé, morceaux choisis

Gilles Bonnafous le 26/11/2007

Partagez

réagir

Nous avions à plusieurs reprises longuement rencontré Jean Rédélé, dont nous avions recueilli les propos. En voici un petit florilège. Donnons la parole à l’homme et écoutons le donner sa vérité sur quelques sujets sensibles. Et régler quelques comptes…

Evoquant un jour ses débuts avec la 4 CV, il me parlait de l’obligation qui avait été la sienne de faire carrosser ses voitures en Italie. En effet, les « grands carrossiers » français, auxquels il s’était adressé, avaient décliné sa proposition, dédaignant de travailler sur des voitures populaires. Erreur fatale que ce refus hautain de s’adapter à la réalité nouvelle de l’après-guerre. Tous disparurent au cours des années cinquante !

« Cette période de l'immédiat après-guerre était peu favorable au développement de voitures de sport et il y avait un vide important laissé par l'industrie française sur ce plan. J'ai estimé que les conditions économiques de l'époque n'autorisaient pas autre chose que de faire revivre une voiture française de sport avec des éléments issus d'une voiture économique de grande série. L'idée de réaliser cette voiture à partir de la 4 CV m'est venue à la suite des grandes compétitions européennes que j'ai courues sur cette voiture. Je me suis rendu compte qu'elle pouvait constituer la base d'une automobile de sport compétitive ».


Gilles Bonnafous
A110 au Tour de France historique
A110 au Tour de France historique Gilles Bonnafous

« Il est clair qu'avant de me rendre en Italie, j'avais commencé par contacter les plus grands carrossiers français qui restaient sur la place. Je ne citerai pas leurs noms, mais ils sont faciles à imaginer. Lorsque je leur ai parlé de mon projet de réaliser une automobile qui recevrait une mécanique de 4 CV, ces messieurs m'ont dit que tel n'était pas leur voeu. Car ils étaient faits pour carrosser des voitures de prestige et cela gâcherait leur image que de s'intéresser à une voiture modeste. J'ai beaucoup insisté, mais je n'ai pas obtenu satisfaction. Je savais qu'en Italie les carrossiers s'intéressaient à l'habillage des petites Fiat et j'ai pensé que je recevrais chez eux un meilleur accueil ».

A propos des aides et subventions dont certains ont bénéficié pour financer la compétition, contrairement à Alpine :

« Nous étions considérés comme des fous. Il n'était pas question que je demande à une banque ou à un industriel de m'aider. Quand je vois le gâchis d'argent dont certains ont pu bénéficier… Nous avons été champions du monde sans la moindre subvention. Nous avons tout financé, en particulier en vendant les licences de fabrication à l'étranger. Et pendant quinze ans, avant que le réseau Renault n'intervienne, nous avons vendu nos voitures pratiquement par correspondance. Nous courions en rallyes, en sport-prototypes, en F2 et en F3 — nous étions même sur le point de sortir une F1 — sans prendre un sous dans la poche du contribuable. Ce sont les hommes qui font la force d'une entreprise, pas l'argent. Et l'on a donné de l'argent à des hommes qui n'en valaient pas la peine. Je ne citerai personne… Surtout s'agissant d'un nombre considérable de milliards d’anciens francs. Avec ça, nous serions allés sur la Lune… ».

A110 1100
A110 1100 Gilles Bonnafous
A106
A106 Gilles Bonnafous

En dépit de la fidélité indéfectible de Jean Rédélé à Renault, ses relations avec la marque ont toujours été ambiguës. C’était un peu « Je t’aime, moi non plus » :

« Je leur ai rendu de très gros services, sans jamais la moindre contrepartie. C'est nous, par exemple, qui sommes à l'origine de la Floride. Mon beau-père, Charles Escoffier, souhaitant développer un coupé sur la base de ce modèle, nous avons commandé ensemble une carrosserie spéciale en Italie. Sur les conseils de Fernand Picard, Directeur des Etudes de Renault, nous nous sommes adressées à Ghia, avec qui il avait d'excellentes relations. Mais débordé, celui-ci nous a renvoyés vers Frua, qui réalisa ainsi le prototype de la Floride. C'est moi-même et mon beau-père qui avons financé cette opération, sans toucher le moindre centime. De même, grâce à mes très bonnes relations avec Willys qui montait les Alpine au Brésil, Renault a pu leur vendre sa R12, construite sous la marque Corcel. C'est également moi qui ai amené les gens de DAF à traiter avec Renault ».

A110 1600 S
A110 1600 S Gilles Bonnafous

Gilles Bonnafous

Expert dans le choix de ses collaborateurs, Jean Rédélé était également très soucieux de leur devenir. Il était fier de la carrière que certains ont faite chez Renault après la reprise d’Alpine par la Régie :

« Je suis très heureux de la réussite de certains de mes anciens chez Renault, dont Bernard Dudot qui a commencé modestement avec nous. Mais il avait le feu sacré. Avant de rentrer chez nous, il nous avait écrit plusieurs lettres. Mais avant de recruter un collaborateur, j'ai toujours voulu m'assurer de pouvoir lui assurer des lendemains. Je n'ai jamais eu la mentalité de prendre un garçon, de m'en servir, puis de le jeter. D'où parfois ma réserve à engager quelqu'un, ce que tous n'ont pas compris. Et lorsque Pierre Dreyfus m'a demandé que Renault entre dans le capital d'Alpine, la première condition que j'ai émise, avant de parler de la valeur des actions, a été que l'avenir de tous mes collaborateurs soit garanti. Je n'étais pas décidé à entamer la conversation sans cette assurance. Il fut très surpris qu'un patron français tienne ce langage. D'autres hommes d'Alpine ont fait une belle carrière chez Renault, comme Jacques Cheinisse qui a été Directeur du produit. Quand on a eu la chance d'avoir une équipe comme la mienne, l'argent passe après. L'histoire d'Alpine prouve qu'il n'y a pas que l'argent dans la vie, et qu'avec la foi, et des hommes qui s'épanouissent, on peut construire quelque chose de formidable. J'ai eu la chance de connaître cela ».

A108 Cabriolet
A108 Cabriolet Gilles Bonnafous
A110 1600 S
A110 1600 S Gilles Bonnafous
article suivant  Jean Rédélé, un entrepreneur passionné

Page suivante
Jean Rédélé, un entrepreneur passionné

Partagez

réagir

Commentaires

avatar de jean papon
jean papon a dit le 25-08-2008 à 20:56
Eh,oui ! L'argent du contribuable est parti dans le centre-est de la France mais le résultat, même sans un titre, n'a pas étè trop ridicule!
avatar invité
un internaute a dit le 05-12-2007 à 14:01
Toute une grande époque pour l'automobile de prestige
avatar invité
un internaute a dit le 29-11-2007 à 17:42
Un génie ce Monsieur! Malheureusement je n'ai pas les moyens d'en avoir une. Je posséde quand même une voiture sympa de la même génération: une SOVAM 1100 de 1966.