ALTA Monoplace et Biplace

Gilles Bonnafous le 23/08/2000

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Fondée par Geoffrey Taylor en 1931, la marque anglaise Alta n’a jamais construit que des voitures de sport. Les Alta sont d’abord motorisées par un quatre cylindres de 1074 cm3 propre à la firme. Equipée d’un bloc en aluminium, cette mécanique reçoit des chemises humides et deux arbres à cames en tête entraînés par engrenage. L’une de ces voitures participe aux 24 Heures du Mans en 1932. En 1935, apparaissent un moteur de 1,5 litre (1496 cm3) ainsi qu’un deux litres (1961 cm3). De ces voitures de sport sont rapidement dérivées des machines de Grand Prix : en 1937, apparaît une monoplace de deux 2 litres à compresseur dotée d’une suspension indépendante. Jusqu’à la guerre, quatre exemplaires en seront construits — le dernier, non terminé en raison du début des hostilités, sera aligné en compétition au lendemain du conflit.

Après la Seconde Guerre mondiale, Geoffrey Taylor réalise une monoplace de Formule 1, dans la définition de 1,5 litre avec compresseur : trois voitures sont construites qui sont alignées sans grand succès dans plusieurs Grand Prix internationaux : en 1946 à Genève avec Abecassis, en 1947 à Berne avec Watson et en 1948 à Berne (Abecassis), Reims (Heath) et Silverstone (Watson). Il passera ensuite à la Formule 2 (deux ou trois autos réalisées), avant de se cantonner à la fourniture de moteurs de compétition pour HWM et Connaught.

ALTA
P. Garcia
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La monoplace de deux litres à compresseur, dont David Baldock est l’heureux propriétaire, est la troisième construite (en 1938) de la petite série réalisée avant la guerre. Elle fut commandée à l’usine par un pilote nommé Tonny Beatle, qui possédait par ailleurs d’autres machines de course, dont une Bentley trois litres et une Bugatti 37 qu’il pilotait notamment à Brooklands. La voiture lui fut livrée au mois d’août pour courir en Formule 2.

David Baldock a entrepris la restauration de l’Alta il y a une vingtaine d’années, un chantier qu’il a mené à bien avec son complice Paul Jaye. Ce dernier se souvient de l’ampleur de la tâche à réaliser, à partir d’un châssis et d’un tas de pièces… De plus, la voiture avait reçu une carrosserie non conforme à l’origine. C’est grâce à des photographies d’époque, prises avant la guerre au cours de diverses compétitions auxquelles la voiture avait pris part, qu’il a été possible de la reconstruire dans des conditions très proches de ses spécifications d’origine.

Techniquement, la machine ne manque pas d’intérêt. Surmonté d’une culasse à deux arbres à cames en tête et alimenté par des carburateurs SU, le quatre cylindres suralimenté développe une puissance de l’ordre de 200 ch. Surtout, l’Alta est dotée d’une suspension indépendante à leviers coulissants proche de celle utilisée par Morgan. Si elle améliore la tenue de route, elle s’avère toutefois assez dure, notamment sur les circuits anciens et bosselés comme celui de Montlhéry.

La transmission se fait par une boîte de vitesses présélective à quatre rapports, qui se révèle à la fois pratique et de fonctionnement très rapide. Elle offre la possibilité de présélectionner n’importe quel rapport à tout moment (la vitesse ne s’enclenche qu’en débrayant). Cette technique permet d’anticiper sur le prochain virage et de garder les deux mains sur le volant au moment de le négocier.

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P. Garcia
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David Baldock a équipé sa monoplace de roues arrière jumelées, une formule qui connut un certain succès avant la guerre. Elle n’est pas sans inconvénient, car, sur la grille de départ, elle soumet la boîte de vitesses à un rude traitement. Le démarrage réclame donc une certaine circonspection, mais le temps perdu est vite regagné grâce à l’amélioration de l’adhérence qu’apporte cette solution.

Selon Paul Jaye, qui pilote l’Alta, la voiture marche comme un avion. A son volant, il prend part à de nombreuses courses de VHC, ainsi qu’à des courses de côte. Très excitante à piloter, elle est aussi très rapide. Outre sa vitesse de pointe de 250 km/h, elle parcourt le kilomètre départ arrêté en 23 secondes, une performance remarquable qui situe l’Alta de Grand Prix au niveau des meilleures GT d’aujourd’hui. De toutes les monoplaces d’avant guerre qu’il a pilotées, Maserati, Riley, etc., c’est l’Alta que Paul Jaye préfère.

Si elle ne renie rien des gènes sportifs qui font l’identité de la marque, l’Alta biplace de John Ruston apparaît plus paisible. Il ne s’agit pas d’une machine de course, mais d’une voiture de route. Egalement équipée du deux litres maison suralimenté, sa puissance est, si l’on peut dire, limitée à 140 ch — son compresseur souffle moins fort que sur la monoplace. Pour autant, avec seulement 700 kilos sur la bascule, le rapport poids puissance est évocateur de riches sensations…

Construite en 1936 (châssis n° 64), la voiture a été vendue à Berlin en 1937 (il s’agit d’une conduite à gauche). Elle est demeurée dans la capitale allemande jusqu’en 1946, où elle a pris le chemin des Etats-Unis.

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P. Garcia
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Au total, cinq Alta biplaces à compresseur ont été construites. Des quatre qui subsistent (une a été perdue), toutes avaient quitté l’Europe : trois se trouvaient en Australie, la quatrième aux Etats-Unis. Mais au printemps dernier, après être restée pendant 40 ans entre les mains du même propriétaire américain (devenu trop âgé pour pouvoir l’utiliser), la voiture, qui est aujourd’hui la propriété de John Ruston, a traversé l’Atlantique en sens inverse. C’est donc la première fois depuis cinquante ans qu’il nous est permis de voir l’un de ces modèles en Europe.

Sortant de restauration, où elle a été entièrement reconditionnée, l’Alta biplace de John Ruston se prévaut d’un parfait état de présentation et de fonctionnement. Son propriétaire ne manque pas de l’aligner au départ des courses de véhicules historiques, Age d’Or à Montlhéry, Silverstone, Monza et Nürburgring.

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P. Garcia
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