Renault R8 Gordini

Voiture mythique, la R8 Gordini fut une idole de l’époque yéyé, dont les photos concurrençaient dans certaines chambres d’adolescents les posters des chanteurs à la mode. La R8 Gordini ? Un sacré tube des sixties !

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RENAULT R8 Gordini 1100

Gilles Bonnafous le 26/03/2004

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Le sorcier Amédée Gordini a d’abord ensorcelé des mécaniques Fiat avant de se pencher, dans les années trente, sur les Simca qu’il transforme en bêtes de course pour les 24 Heures du Mans. Après la guerre, il construit de manière artisanale des monoplaces à mécaniques Simca dans son atelier du boulevard Victor. Jusqu’en 1956, des Gordini de Formule 1 et Formule 2 se battent contre les grandes écuries, offrant leur volant notamment à Jean Behra. Mais le combat est inégal compte tenu des maigres ressources financières dont dispose l’entreprise. Confronté à d’inextricables problèmes d’argent, Amédée Gordini jette l’éponge en 1957 et décide de mettre son talent au service de la Régie Renault.

Le nom d’Amédée Gordini est associé pour la première fois à Renault avec la Dauphine Gordini présentée au salon de Paris de 1957. Mais il ne faut pas s’emballer. Avec seulement 7 ch supplémentaires, puis dix, par rapport au modèle standard, soit 40 ch et 125 km/h, il ne s’agit pas un foudre de guerre ! Les choses sont un peu plus sérieuses avec la Dauphine 1093, qu’il convient d’évoquer bien qu’elle ne porte pas le nom de Gordini. Le 845 cm3 de 55 ch entraîne la sympathique petite voiture blanche à bandes bleues à 140 km/h. Elle sera produite de décembre 1961 à 1964.

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Avec la R8 Gordini, c’est d’une tout autre histoire dont il s’agit. Avec elle, on change de catégorie. Présentée en mai 1962 et réellement diffusée à partir de septembre, la R8 a pour vocation de remplacer la Dauphine, dont elle reprend l'architecture générale. Grâce au traitement Gordini, voici la très ordinaire berline métamorphosée par une mécanique de feu.

C’est Georges Dalboussière qui, après avoir participé à la mise au point du prototype de la R8, se voit confier la coordination d’une version sportive de cette dernière — qui ne s’appelle pas encore Gordini. Le projet initial de la Direction générale de la Régie est de lancer une R8 aux performances améliorées, avec pour objectif une vitesse de pointe de 155 km/h, soit 20 km/h de plus que le modèle de base.

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Amédée Gordini se penche sur le moteur de la R8, tout en développant parallèlement et de sa propre initiative une seconde version plus élaborée. Equipée d’une culasse hémisphérique en aluminium avec soupapes en V, cette dernière reçoit non pas un, mais deux carburateurs double corps Solex de 40 mm. Naturellement plus puissante, cette mécanique offre par ailleurs de plus larges possibilités quant à des développements ultérieurs. L’appétit venant en mangeant, c’est cette version qui est finalement retenue par les responsables de Renault. Et afin de profiter de la notoriété dont jouit le sorcier dans le milieu de la course, elle est baptisée Gordini.

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La tâche consiste maintenant à monter le moteur Gordini dans la R8. L’adaptation a déjà été réalisée par le Centre technique de Rueil sur la R8 alignée au rallye Liège-Sofia-Liège de 1963. Toutefois, il est nécessaire de valider les solutions adoptées de manière artisanale avant de les industrialiser. Encore à l’état de prototype, le moteur passe par la direction des études de la Régie, où il subit quelques modifications en vue d’une production en petite série. De la même manière, tous les organes mécaniques de la voiture sont contrôlés par les différentes sections du bureau d’études : freins, suspensions, circuit électrique, etc. Deux prototypes sont réalisés, qui dans un premier temps tournent à Montlhéry où Georges Dalboussière procède à des essais de mise au point. Puis en juin 1964, ils sont conduits pour des tests d’endurance sur une partie de l’itinéraire du Liège-Sofia-Liège, essentiellement sur les terribles routes et pistes de Yougoslavie. Là, sur les chaussées défoncées, l’épreuve est rude et des pièces cassent, notamment les attaches d’amortisseurs.

La R8 Gordini est dévoilée au public dans le cadre du salon de Paris de 1964. Elle se veut un compromis entre voiture sportive et modèle familial utilisable quotidiennement. A ce titre, elle conserve l’excellent confort de la R8. Extérieurement, elle se distingue de cette dernière par ses gros projecteurs de 200 millimètres et ses deux bandes blanches longitudinales. Inspirées de la Dauphine 1093, celles-ci ont été voulues par les stylistes de Rueil soucieux de donner un peu de piment et d’agressivité à un design qui en est cruellement dépourvu ! Dans le même esprit, elles sont placées sur le côté gauche de la carrosserie pour rompre la symétrique monotonie d’une banale caisse carrée. Elles sont également positionnées de manière à ce que l’espace qui les sépare se trouve dans l’axe de vision du conducteur. Quant à la couleur bleu, elle était incontournable. Deux projets avaient vu le jour : l’un retenant une nuance très proche du bleu des voitures françaises de compétition, l’autre d’une couleur plus soutenue, qui sera finalement adoptée sous la référence 418.

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Le moteur est donc le 1108 ccm3 cinq paliers en fonte de la R8 Major — lancée en février 1964 —, un excellent bloc monté également sur l'Estafette et la Caravelle 1100 et qui sera encore utilisé sur la SuperCinq dans les années 90. Signé Gordini, le haut moteur se prévaut d’une culasse en aluminium à chambres de combustion hémisphériques. Avec un rapport de compression de 10,4 à 1 et deux carburateurs double corps, la puissance atteint 95 ch SAE à 6500 tr/mn — contre 50 ch à 4600 tr/mn pour la R8. Les conduits d’admission et d’échappement sont séparés et un radiateur d’huile fait son apparition — la voiture conserve un carter humide.

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Empruntée à la R8 Major, la boîte de vitesses à quatre rapports synchronisés ne subit pas de modifications notoires. Quant aux quatre freins à disque, ils sont équipés d’un maître-cylindre de plus fort diamètre et surtout, ils reçoivent un servo à dépression Bendix Hydrovac installé dans le coffre avant. La direction à crémaillère voit sa démultiplication légèrement réduite, tandis que la suspension arrière bénéficie de quatre amortisseurs.

Avec 170 km/h en pointe et le kilomètre départ arrêté en 33 secondes, Renault a fait très fort. Des performances énormes à l’époque pour une voiture de cette cylindrée, qui la placent aux côtés de l’Alfa Romeo Giulia TI et de la Mini Cooper S. Le tout pour un rapport prix-performances inégalable (11 500 francs à l'époque).

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