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SAAB 92

Acheter une SAAB 92 à 96

Gilles Bonnafous le 21/06/2002

Originalité, qualité de construction, palmarès sportif, la Saab 92 et ses versions dérivées ont tous les atouts pour figurer dans une collection.

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Genèse

Saab est né en 1937 de la volonté du gouvernement social-démocrate de doter la Suède d'une industrie aéronautique capable de défendre la neutralité du pays. La fin de la guerre et les incertitudes qui pèsent sur l'avenir de l'aéronautique vont conduire les dirigeants de l'entreprise à chercher une diversification. Les automobiles Saab vont naître de la nécessité de ce redéploiement industriel.

En Suède, le segment des voitures populaires est occupé par les firmes étrangères, dont DKW avec ses originales tractions. Saab va donc s'attaquer à ce créneau. Gunnar Ljungström se voit confier le projet en 1944. Issu d'une grande famille d'ingénieurs, il est le seul chez Saab à posséder une sensibilité automobile. Il crée un groupe qui rassemblera autour de lui quinze ingénieurs, dont aucun n'a la moindre expérience dans ce domaine. La légende prétend même que seuls deux d'entre eux possédaient leur permis de conduire…

La première trace du projet est un dessin de Ljungström. Datant de mai 1945, il représente une voilure aérodynamique dotée d'un aileron qui évoque les Tatra tchèques. Mais l'équipe a besoin d'un homme d'expérience. Elle appelle, à titre de consultant, Sixten Sason. Andersson de son vrai nom, ce designer de grand talent est doué d'une créativité visionnaire. Rendu en octobre 1945, son projet représente une ligne ponton aérodynamique fort audacieuse, dont les quatre roues sont carénées.

Le moteur est un bicylindre deux temps - simple et économique à construire pour un constructeur novice - placé en porte-à-faux de l'essieu avant. En somme, c'est un moteur de DKW installé dans une carrosserie proche de la Tatraplan. La référence au constructeur saxon est clairement exprimée par Ljungström lui-même, qui rêve d'une version modernisée de la célèbre voiture allemande, très populaire en Suède avant la guerre.

SAAB 92 à 96 SAAB 92 à 96

La Suédoise aux anneaux

La similitude du produit final à l'étude initiale se révèle étonnante. Malgré le coût de cette technique, la première Saab adopte une structure monocoque en acier — ce qui est tout de même naturel pour un constructeur de fuselages d'avion. La maquette est également travaillée en soufflerie, sophistication exceptionnelle à cette époque. Le résultat obtenu (Cx de 0,32) est remarquable (en production il passera à 0,35), comparé au 0,50 habituellement constaté à l'époque.

Terminé en juin 1946, le prototype est équipé d'un moteur et d'une transmission DKW récupérés chez un casseur proche de l'usine. Le réservoir d'essence, de même origine, porte encore les quatre anneaux d'Auto Union ! Cette casse deviendra une précieuse source d'information pour les ingénieurs confrontés à toutes sortes de problèmes auxquels ils ne sont pas préparés. Singulier spectacle que de voir un constructeur automobile (qui deviendra célèbre) se livrer à l'espionnage industriel... dans une casse ! Etonnant mélange aussi de sophistication technologique et de bricolage artisanal. Le prototype, préservé et exposé aujourd'hui au musée Saab à Trollhättan, se présente comme une sculpture à la beauté singulière, dont le carénage total des roues avant donne l'apparence d'un gros scarabée juché sur des pattes trop petites...

Trois nouveaux prototypes sont construits et testés dans les rudes conditions du cercle polaire. La ligne s'est un peu assagie et une glace de custode a remplacé Ies hublots. L'ingénieur motoriste Rolf Mellde, le troisième homme du trio auteur de la Saab, travaillera sur des moteurs DKW pour se faire la main et parfaire son expérience. Dans ce but, il engage en compétition une DKW au moteur gonflé. Et au volant de cette voiture, il remportera le championnat de Suède ! Situation, qui ne manque pas non plus d'insolite...

Un OVNI bien accueilli

Dévoilée à la presse en juin 1947, la nouvelle Saab, dont le niveau de finition apparaît des plus soignés, est présentée comme une petite voiture de qualité plutôt que comme une voiture populaire. L'illustre champion allemand Rudi CarracioIa (d'origine italienne), dont l'épouse est suédoise, est appelé en renfort… II ne tarit pas d'éloges sur la voiture ! Le démarrage de la production est envisagé pour 1948, avec une prévision de 1.500 exemplaires pour l'année suivante. Malgré sa forme étrange, la voiture est bien accueillie par le public, qui se précipite sur les carnets de commandes.

Malheureusement, les premiers clients seront déçus et leur patience mise à l'épreuve. Car la pénurie d'acier et les difficultés auxquelles se heurte Saab pour acheter à l'étranger les composants nécessaires à la fabrication - les importations sont contingentées et le contrôle des changes sévère - retardera la mise en production. De fait, la Suédoise joue l'Arlésienne… et les postiers se plaignent ! Et pour cause : Saab a prêté à l'administration suédoise des Postes vingt exemplaires de pré-série en août 1949. Conséquence : les préposés sont constamment importunés dans leur travail par la curiosité du public, qui souhaite observer la voiture de près et regarder le moteur !

L'igloo protecteur

En janvier 1950, avec plus d'un an de retard sur le calendrier initial, les premières voitures quittent l'usine. Baptisé 92 – l'avion Saphir porte le nombre 91 -, le modèle est proposé en une seule couleur vert foncé. Son étonnante silhouette, toute en rondeurs et galbes, paraît rassurante et plutôt attachante. Les belles courbes du pavillon dessinent une très élégante custode. L'absence de portes arrière et même de couvercle de coffre à bagages - on y accède de l'intérieur ! - en fait une structure très fermée, adaptée aux rigueurs arctiques. On s'y glisse comme dans une coquille... ou un igloo (un psychanalyste évoquerait sans doute une poche protectrice...). La rigidité de la coque a été poussée très loin et le poids est à la hauteur de la sécurité. Quant au pavillon, constitué d'une seule pièce jusqu'aux pare-chocs arrière, il pose quelques problèmes d'emboutissage… La face avant comprend de gros phares intégrés au capot, ainsi qu'une large calandre en forme de gueule béante, comme une baleine en plein festin...

L'intérieur est bien fini, mais dépourvu à proprement parler de tableau de bord : trois petits cadrans rectangulaires sont placés directement sur la planche de bord.

L'âme de la voiture est donc un bicylindre deux temps super carré de 764 cm3 refroidi par eau et placé transversalement en porte-à-faux avant. Le radiateur est déporté derrière le moteur. Pourvue d'une roue libre, la boîte de vitesses à trois rapports (première non synchronisée) est commandée par un levier au volant. La voiture atteint un bon 100 km/h, performance honorable dans sa catégorie. La suspension est constituée de barres de torsion transversales, à l'avant comme à l'arrière.

Durant l'année 1950, 1246 exemplaires seront produits, alors que, dit-on, la liste d'attente est déjà riche de 35 000 clients, dont la patience s'essouffle et qui vont passer, pour beaucoup, à la concurrence représentée par l'Aero-Minor tchécoslovaque et l'IFA F9 est-allemande apparue en 1949. Ces voitures se révèlent nettement moins chères que la Saab, dont le prix apparaît presque aussi élevé que celui d'une Volvo PV 444, laquelle affiche une cylindrée deux fois supérieure...

En décembre 1952, la voiture réapparaît au Salon de Copenhague dotée de quelques améliorations de nature à la rendre plus compétitive. On a même pensé à baisser le prix... Le moteur gagne trois chevaux, la lunette arrière est agrandie et le coffre s'ouvre dorénavant de l'extérieur. D'autres coloris de peinture sont proposés, tandis que l'intérieur gagne en agrément. Ainsi se présente la 92 B.

Les premières tentatives faites à l'exportation, notamment aux Etats-Unis, se solderont par des échecs. Les marchés à conduite à gauche sont fermés, Saab n'étant pas en mesure de déplacer l'implantation du volant vers la droite. Car, bien que la Suède roule à gauche, la direction de la Saab a été placée non pas à droite, mais à gauche !... Une histoire pour Raymond Devos... Seul le Maroc accueillera un contingent de voitures, ainsi que la Chine Populaire, où la Saab a plu à quelques apparatchiks décideurs. Mais on ignore si le Grand Timonier a fait, à la petite suédoise, l'honneur de son auguste postérieur... Sur 20 218 modèles 92 produits, 998 seulement seront exportés, soit à peine 5 %.

La Saab 93

En mars 1954, la 10 000ème Saab sort des chaînes. C'est dire si le rythme de fabrication n'a rien de stakhanoviste. En fait, l'outil de production s'avère insuffisant et beaucoup trop artisanal. Et la concurrence est devenue très vive. DKW a sorti son modèle à trois cylindres en 1953 et la Coccinelle, importée par Scania (trahison !), se vend bien. Il est temps d'améliorer la motorisation de la voiture, dont les deux cylindres ne soutiennent plus la comparaison sur le marché.

C'est chose faite en 1956 avec la sortie de la 93, équipée d'un trois cylindres de 33 ch DIN. Disposé cette fois dans le sens longitudinal, il a été étudié conjointement avec un ingénieur allemand, ancien de DKW. On poursuit donc dans la voie du deux temps, bien que cette orientation ait déjà été remise en cause. La cylindrée a été abaissée à 748 cm3 pour une raison liée à la compétition : au-delà de 750 cm3, la voiture tombait dans la catégorie des Porsche… Mais les 3000 premiers moteurs, construits chez Heinkel à Stuttgart, révèlent bien des défaillances (problèmes de segments) et ils vont coûter cher à la marque. Car Saab pratique, comme il le fera toujours, une généreuse politique d'échange-standard propre à fidéliser sa clientèle. Une attitude intelligente et payante à terme.

Pour améliorer la tenue de route, les voies sont élargies, tandis qu'un essieu rigide prend place à l'arrière. De survireuse, la voiture deviendra sous-vireuse. Sason a modernisé le dessin de la proue : une nouvelle calandre verticale modifie complètement l'expression de la face avant.

L'évolution du modèle se poursuit en 1958 avec la suppression du montant central de pare-brise et le remplacement des flèches par des clignotants (93 B). En 1960, l'adoption de portes ouvrant vers l'avant (93 F) sera le dernier avatar de la série 93.

Go West : la 750 GT

Sous la pression du représentant Saab aux Etats-Unis, une version sportive est présentée en avril 1958 au salon de New York. La 750 GT a été conçue pour le marché américain et doit servir de locomotive au modèle de base. La puissance du moteur - peint en rouge ! - passe à 45 ch DIN (et même à 55 ch avec un kit). On n'a pas fait les choses à moitié du point de vue look et finitions : sièges baquets, volant style Nardi, compte-tours et speed-pilot. On trouve même un accoudoir avec place pour une bouteille de Coca-Cola ! Bel exemple de démarche marketing... La presse américaine, enthousiaste, s'étonne des performances de la voiture : avec 150 km/h en pointe, sa vitesse atteint presque celle d'une deux litres ! Sur 600 exemplaires produits, 550 seront exportés aux Etats-Unis. Cette voiture va parfaitement tenir son rôle et assurer, à travers de nombreux succès sportifs, la promotion de Saab outre-Atlantique.

Tout a démarré vraiment en 1956 avec la victoire au Great American Mountain Rally. Le retentissement en fut considérable. Dès lors, les succès en compétition vont conforter la réputation de la marque qui a acquis une image de gagneuse. De quoi toucher efficacement la mentalité américaine. La qualité de fabrication et un service après-vente efficace et peu sourcilleux sur les échanges-standard feront le reste.

La clientèle est essentiellement constituée de gens décalés à la recherche d'une voiture permettant de se singulariser, professions libérales en tête. Parmi quelques personnalités, le célèbre architecte Oscar Niemeyer roule en Saab (le fait qu'il soit brésilien ne change rien à l'exemplarité de son cas). D'après un sondage, 1 % seulement des clients se révèlent mécontents de leur voiture ! La réussite de Saab aux Etats-Unis apparaît exemplaire compte tenu de l'énorme handicap que représente le moteur deux temps dans ce pays. Sur près de 53 000 Saab 93 construites, plus de 20 000 sont exportées, la plupart outre-Atlantique.

La Saab 95

C'est avec la 93 que la production décolle et que la firme acquiert une réputation internationale. Mais l'appareil productif est obsolète. Un vaste programme d'investissements, opérationnel en 1959, va permettre de franchir une nouvelle étape et de lancer deux nouveaux modèles plus ambitieux : la 95 et la 96 (la désignation 94 étant réservée à une voiture de sport, la Sonett, construite à six exemplaires en 1956).

Conçue prioritairement pour les Etats-Unis et dessinée par Sason en s'inspirant des station-wagons américains (en particulier de la Chevrolet Nomad), la 95 est un curieux break. Son étonnante silhouette mêle deux styles tout à fait contradictoires. Autant l'avant est rond et galbé, autant l'arrière apparaît droit et anguleux. Que penser de cette incongruité ? Que le choc des cultures a ses limites, même si la voiture ne manque pas de charme, au deuxième degré… L'aspect mécanique se révèle, quant à lui, très positif. Le moteur passe à 841 cm3 et 38 ch DIN, tandis que, pour la première fois, une Saab est équipée en série d'une boîte à quatre vitesses.

La Saab 96

Lancée six mois plus tard, la 96 bénéficie du même moteur, mais, hélas, pas de la nouvelle boîte. Elle devra ainsi se contenter de l'obsolète transmission à trois rapports jusqu'en 1966. La ligne de la voiture est modifiée et l'arrière entièrement redessiné. Finies les courbes fluides : un pavillon rehaussé et une lunette arrière panoramique plus moderne - mais guère élégante - améliorent le confort et la visibilité.

Au chapitre de la sécurité, la 96 bénéficiera en série, au cours de son évolution, d'un double circuit de freinage (l'un des premiers avec Opel et Mercedes) et de ceintures de sécurité.

La 96 GT gardera provisoirement l'ancien moteur, mais elle adoptera la nouvelle boîte à quatre vitesses. C'est en 1962 qu'elle recevra le 841 cm3 porté à 52 ch DIN, avec trois carburateurs Solex et une lubrification séparée (enfin !). Elle est en outre équipée de freins à disques à l'avant. Mais la voiture est chère : son prix dépasse celui de la MG B !

C'est l'époque de la gloire sportive pour la marque avec les nombreux succès de Carlsson en rallyes : deux victoires au Monte-Calo en 1962 et 1963, et trois consécrations au RAC de 1960 à 1962. La courbe des ventes suit fidèlement les exploits de la voiture et de son pilote ! Le succès commercial se révèle à la hauteur des investissements, notamment aux Etats-Unis. Mais la question du remplacement du moteur par un quatre temps, pour n'être pas nouvelle, prend une actualité de plus en plus pressante.

En attendant, on redessine l'avant de la voiture sur le modèle de 1965 : la calandre, constituée d'une grille en inox et désolidarisée du capot, envahit désormais toute la face avant. Et le porte-à-faux est allongé de quinze centimètres, ce qui ne concourt pas à l'esthétique d'une voiture qui perdra un peu de son âme à chaque retouche.

Au début de l'année 1966, la 300 000ème Saab sort des chaînes. Mais depuis le record de diffusion constaté en 1964, les ventes sont en chute libre. On a beau faire poser à côté de la voiture une certaine Margareta, alias Miss Suède devenue Miss Univers en 1966, cette opération médiatique ne suffira pas à redresser le cours des choses...

SAAB 92 à 96 SAAB 92 à 96

Le V4 Ford

Le moment est donc venu de changer le moteur. Si les ingénieurs y sont réticents, la direction entend passer au quatre temps. De plus, le retrait de la DKW F 102 au profit de l'Audi, en 1966, va faire de Saab le dernier constructeur à proposer une berline moyenne animée par un deux temps.

La direction se résout donc, faute de mieux, à acheter un moteur à l'extérieur : le choix se porte sur le V4 Ford de 1 500 cm3 et 65 ch DIN, qui équipe la Taunus allemande. Apparaissant sur le modèle 1967, il est d'abord monté en parallèle avec le moteur deux temps. Mais il va rapidement l'éclipser. Ainsi motorisée, la 95 poursuivra sa carrière jusqu'en février 1978 et la 96 jusqu'en janvier 1980. Avec cette dernière, s'éteindra un modèle apparu vingt ans plus tôt, tout comme une lignée née avec la marque trente ans auparavant.

Mais l'adoption du moteur Ford a accéléré le processus de banalisation de la voiture. Une exigence imposée par le marché, que le puriste passionné réprouve et que le collectionneur fuit ! Une Saab motorisée par un quatre cylindres Ford, mécanique banale et sans brio, est-ce une vraie Saab ?

Créations d'ingénieurs et de stylistes, et non d'une direction marketing, les premières Saab témoignent d'un temps béni où les concepteurs étaient aux commandes et les marqueteurs encore dans les limbes. Aujourd'hui, où d'aucuns se plaignent que les voitures se ressemblent, elles demeurent un parfait antidote à l'ennui.

Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 21/06/2002, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.

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Commentaires

avatar de mandre
mandre a dit le 13-02-2009 à 19:21
Je recherche un exemplair en bon état .