Rétromobile 2004

La croisière jaune

Gilles Bonnafous le 13/02/2004

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Après le succès des croisières africaines, André Citroën met le cap sur le continent asiatique en 1931. Commence alors une grande aventure…

Après le succès rencontré par les croisières africaines, André Citroën met le cap sur le continent asiatique en 1931. Outre les fins publicitaires qu’il poursuit, il entend prouver la valeur de l’automobile en tant qu’instrument de découverte et d’exploration du monde.

Comme Bonaparte en Egypte, André Citroën embarque dans son projet des hommes de sciences (comme le Père Teilhard de Chardin), que ceux-ci relèvent d’organismes publics comme le Muséum d’histoire naturelle ou de sociétés savantes privées. Lesquels apportent aussi des financements ! Et pour immortaliser les exploits à venir en images, les cameramen de Pathé-Nathan se joignent à la troupe.

 La croisière jaune  La croisière jaune

A la tête de l’expédition, on retrouve Georges-Marie Haardt assisté de Louis Audouin-Dubreuil, deux hommes d’expérience, qui ont signé la première traversée du Sahara et la Croisière noire. Le lieutenant de vaisseau Victor Point complète l’équipe. Cette aventure exceptionnelle a requis trois années de préparation : essais des voitures dans les Causses, pourparlers difficiles avec les autorités des pays traversés, obtention des nombreuses autorisations et mise sur pied du ravitaillement, une tâche consistant à installer des dépôts de carburant et de vivres sur un parcours de 6000 kilomètres…

Les autochenilles Citroën–Kégresse qui seront utilisées sont de deux types : la P21 est construite sur le châssis de la C6 à laquelle elle emprunte le moteur de 2,4 litres (42 ch). La boîte de vitesses est à quatre rapports avec réducteur et blocage du différentiel. La P21 emporte deux réservoirs d’essence de 200 litres. Plus légère, la P17, dérivée d’un véhicule militaire, a pour base le châssis de la C4. Elle est motorisée par un quatre cylindres de 1,6 litres (30 ch) accouplé à une boîte de vitesses à trois rapports avec réducteur. Réalisées en duralumin, les carrosseries sont des torpédos ouvertes à quatre places dotées d’un rouleau de franchissement monté à l’avant. Chaque véhicule tracte une remorque de matériel.

L’itinéraire prévu, qui suit la Route du thé, traverse la Syrie, la Mésopotamie, l’Iran, le Turkestan soviétique et la Chine (province du Sin-Kiang avant de gagner Pékin par la Mongolie.) Mais l’URSS refuse la traversée de son territoire et Haardt est contraint de passer par l’Afghanistan et de franchir le Pamir. Il réorganise l’expédition qu’il scinde en deux groupes, qui convergeront l’un vers l’autre pour se retrouver en Asie centrale.

Dirigé par Haardt et Audouin-Dubreuil, le groupe Pamir part de Beyrouth avec sept P17 et une P14 (une voiture radio sur châssis C6). Le groupe Chine s’élance de Pékin avec sept P21 et deux camions C6 à pneus, qui serviront aux liaisons et aux reconnaissances. Il est commandé par Victor Point. Chaque groupe est doté de deux véhicules cinéma.

Empruntant la route de la Soie, le groupe Pamir traverse sans encombre l’Iran avant de se heurter aux frontières de l’Afghanistan, partiellement fermées pour cause de guerre. Il va falloir rejoindre la Mongolie par l’Himalaya. Une folie ! Dans les cols à 5000 mètres, sur des pistes praticables uniquement par les chevaux, les difficultés rencontrées paraissent insurmontables. Mais Haardt persiste. Il ne conserve que deux voitures, qui sont plus d’une fois démontées en pièces et portées par les hommes. Sans parler des moteurs, dont la puissance est réduite de moitié en raison de l’altitude.

Le 4 août 1931, Haardt et son petit groupe arrivent à Ghilghit. Les autochenilles n’iront pas plus loin. Car le groupe Chine a rencontré les pires ennuis. Les compagnons de Victor Point ont subi les affres de la traversée du désert de Gobie (50° et tempêtes de sable), avant d’être pris en otages par le maréchal King. Le temps presse et Haardt va les rejoindre à cheval. Après de multiples vicissitudes, l’expédition atteint finalement Pékin le 12 février 1932 après 315 jours et 12 000 kilomètres.

Mais l’expédition ne s’arrête pas là. Georges-Marie Haardt veut boucler la mission en revenant par Hong-Kong, la Birmanie, l’Inde et l’Iran. L’équipe reçoit en mars 1932 trois nouvelles voitures, des C6 coloniales mieux adaptées au terrain à venir. Hélas, l’affaire tourne au tragique avec la mort de Haardt à Hong-Kong et André Citroën ordonne le rapatriement. Le patron ne saura pas moins tirer les meilleures retombées médiatiques et publicitaires d’une aventure qui entrera dans la légende de l’automobile.

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