Saga MG

Sur près de 80 ans d’existence, MG a vécu de nombreuses vicissitudes, qui iront même jusqu’à sa disparition provisoire en 1980.

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Interview de Peter Stevens (MG Rover)

Gilles Bonnafous le 16/10/2003

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Designer de renommée mondiale, Peter Stevens dirige le style du groupe MG-Rover. En trente ans de carrière, il a collaboré avec de nombreuses marques, dont Ford, Aston Martin, General Motors, ainsi que McLaren, Lamborghini et Lotus. Il est également le directeur de la société MG Sport & Racing, responsable de la construction de la X-Power SV. Peter Stevens est un authentique passionné d’automobiles, qui a rassemblé une collection de voitures et de motos anciennes. Il possède même un tracteur Ferguson des années vingt…

Il nous parle des changements qu’il compte apporter au style MG-Rover et nous confie ses idées sur le design automobile contemporain. Et il évoque bien sûr la X-Power SV à laquelle il a apporté une contribution déterminante.

Peter Stevens devant la MG X Power SV
Peter Stevens devant la MG X Power SV Motorlegend.com
Audi A8 2003
Audi A8 2003 D.R

Motorlegend : Quel regard portez-vous sur le design automobile contemporain ?

Peter Stevens : Cela fait trente ans que j’exerce mon métier. Depuis trente ans, j’entends des gens dire que les voitures se ressemblent, contrairement au temps passé où elles auraient été si différentes. La vérité est diamétralement opposée. Dans les années trente par exemple, toutes les voitures étaient noires et strictement identiques. Au contraire, les voitures se différencient de plus en plus de nos jours. Pour une raison simple, qui tient au fait que, contrairement au passé, tous les produits automobiles sont désormais fiables. Le design constitue le principal vecteur de différenciation.

Il est intéressant d’observer les diverses voies qu’empruntent les constructeurs pour développer leur style. Prenons l’exemple d’Audi. Depuis des années, la marque peaufine un thème qui lui est propre. Mais lorsque vous êtes parvenu au terme de cette évolution, que vous avez atteint une forme de perfection, que faire de plus ? Vous êtes obligé d’opérer un changement. Et là, vous prenez un risque, celui de perdre vos clients. Regardez ce qui se passe actuellement chez BMW. La précédente série 5 était parfaite à tous points de vue, les proportions, le traitement des surfaces, etc. Il fallait donc prendre une nouvelle direction et courir un risque. Le problème est de convaincre la clientèle de vous accompagner dans le changement. Le défi du designer est de pouvoir réaliser ce dernier sans perdre les clients.

BMW Série 5 2000
BMW Série 5 2000 D.R
BMW Série 5 2003
BMW Série 5 2003 D.R

Le cas de Renault est autre. La marque a pratiqué une rupture et créé un style très innovant. La clientèle a réagi de manière différenciée. S’agissant de Mégane, dont le design est très provocant, le public a suivi, car il a compris la voiture. Il l’a acceptée. Pour Vel Satis, l’accueil a été critique. Personnellement, j’apprécie cette voiture, tout comme Avantime. Par contre, je me demande si Renault a la capacité de concurrencer les marques allemandes sur ce marché. Telle est la vraie question. La déception enregistrée n’est peut-être pas imputable au design. La voiture marcherait-elle mieux avec une carrosserie plus classique ? Il est difficile de juger l’influence du style sur les ventes dans ce cas précis.

Renault Megane 2003
Renault Megane 2003 D.R
Renault Vel Satis
Renault Vel Satis D.R

Motorlegend : La nécessité du changement concerne tout autant le style des MG et des Rover.

Peter Stevens : Au cours de la dernière période, l’innovation stylistique était un peu en sommeil chez Rover. Arrivant à la tête du design du groupe, j’ai pensé qu’il fallait réaliser un saut significatif. J’ai souhaité présenter les voitures de la génération future, à l’image du show car TCV (Tourer Concept Vehicle) dévoilé au salon de Genève : celui-ci représente un grand pas en avant, qui n’est pas sans risque. Nombreux sont nos clients conservateurs, qui attendent de reconnaître immédiatement une Rover à ses qualités traditionnelles. Il ne faut pas les choquer. Il convient de doser avec finesse ce qu’ils peuvent accepter, jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. Ce n’est pas aisé. Mais j’exerce un métier passionnant. Nous explorons de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux et des créneaux inédits pour MG-Rover, comme la Streetwise. Qui aurait imaginé une telle Rover il y a trois ans ?

Peter Stevens et le concept car Rover TCV
Peter Stevens et le concept car Rover TCV D.R
Rover Streetwise
Rover Streetwise D.R

Motorlegend : Quel est votre travail sur les MG ?

Peter Stevens : Rover a une tradition d’élégance classique. MG, c’est le sport, les sensations. Pour ce qui est des berlines MG, qui sont des dérivés de la gamme Rover, l’intervention a été limitée jusqu’à présent. Cela n’a pas été le cas de la TF, qui est un modèle purement MG. Le design de la F était trop sage et trop statique pour une MG. Pour la TF, j’ai poussé l’entreprise à aller plus loin qu’elle ne le souhaitait au départ. Je crois qu’elle ne le regrette pas car la voiture se vend deux fois mieux que la F. Le style des futures MG sera plus fort, plus sportif et plus agressif à l’image de la X-Power SV. Ce sera vrai également pour les berlines.

MG TF
MG TF MG
MG ZR
MG ZR MG

Motorlegend : Sur un siècle d’histoire automobile, quelles sont vos voitures préférées ?

Peter Stevens : D’abord la DS, qui au regard de l’époque où elle fut produite, était extraordinaire. La Fiat 500 aussi, celle de Giacosa, qui, malgré sa taille, était une vraie automobile. J’ajouterai la Golf de première génération et la Lancia Aprilia, les plus modernes voitures de leurs temps, et qui ont ouvert des voies nouvelles.

Motorlegend : Passons maintenant à la X-Power SV. Quelle a été votre démarche en la dessinant ? Qu’avez-vous cherché en priorité ?

Peter Stevens : A mes yeux, pour réaliser un design qui marque, qui capte le regard, on doit pouvoir tracer sur une feuille les cinq ou six lignes qui le définissent, qui résument la personnalité de la voiture. Faute de ces traits caractéristiques qui expriment l’esprit du véhicule et doivent frapper quiconque le regarde, un design ne saurait être réussi. Mon premier objectif a été celui-ci en dessinant la X-Power SV. J’ai également cherché un équilibre entre les tendances actuelles du design et une conception plus classique. Car la voiture est appelée à un cycle de vie assez long, une dizaine d’années. Elle devra donc rester séduisante et contemporaine à cet horizon. J’ai donc évité les clichés en vogue, propres à la mode actuelle, qui passeront avec le temps. La X-Power SV témoigne également de valeurs auxquelles je crois. Par exemple, elle présente une césure claire entre les surfaces planes et les angles. Il n’y a pas de formes molles.

MG ZS
MG ZS MG
MG ZT
MG ZT MG

Motorlegend : Parlez-nous du design intérieur.

Peter Stevens : Sur une machine à hautes performances comme la X-Power, le design intérieur doit apporter des messages forts sur les formes extérieures de la voiture. On doit retrouver dans l’habitacle des éléments, des signes du style externe, à l’image des instruments de la planche de bord, de forme circulaire, qui font écho aux feux arrière, ainsi qu’aux projecteurs. C’est un design intégral.

Par ailleurs, on retrouve souvent sur les modèles GT des habitacles qui s’inspirent de l’esthétique du club anglais. Or, ce style ne me paraît pas approprié à une voiture sportive. Ainsi, il n’y a pas de bois dans la X-Power, et il n’y en aura pas. Le bois a sa place dans l’ameublement, pas dans la X-Power. Ce serait un décor incongru. C’est une voiture faite pour la performance, pas pour le décorum. Les matériaux sont authentiques. Si une pièce a l’aspect de l’aluminium, elle est vraiment en aluminium.


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Motorlegend : J’imagine qu’en termes de sécurité, vous avez procédé à des tests de validation pointus à haute vitesse.

Peter Stevens : La sécurité a été pour nous une préoccupation majeure. Nous sommes conscients des responsabilités qui sont les nôtres à l’égard de nos clients, surtout sur un modèle capable de rouler à plus de 300 km/h. Un important travail aérodynamique a été réalisé et des tests effectués au Nürburgring, ainsi que sur le circuit de Nardo, dans le Sud de l’Italie. La voiture a roulé très au-delà des 300 km/h en toute sécurité aux mains de John Nielsen, vainqueur des 24 Heures du Mans et pilote d’essai pour la circonstance. Ces essais ont également porté sur le refroidissement du moteur, qui doit être sans faille en toutes circonstances, dans les rues de Monaco comme sur un circuit à pleine charge.

Motorlegend : Comment avez-vous conçu la production de la X-Power, modèle par essence à tirage limité ?

Peter Stevens : La X-Power est produite selon le principe de l’entreprise virtuelle. Elle est construite en Italie par un groupe de sous-traitants, qui disposent de leurs propres ateliers. Ce sont des spécialistes au savoir-faire reconnu, qui collaborent notamment avec Ferrari. La voiture passe d’un atelier à l’autre, chacun ayant en charge une étape de sa fabrication. Le châssis est construit à Modène, la carrosserie est réalisée à Turin, où est également effectué l’assemblage châssis-carrosserie. La voiture part ensuite en Angleterre à l’usine MG-Rover de Longbridge, près de Birmingham, où elle est peinte et où elle reçoit l’aménagement intérieur et les finitions. Compte tenu du faible volume de diffusion d’une voiture comme la X-Power SV, sa production dans une usine conçue pour les grands volumes n’aurait pas été viable économiquement.


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