Saga Ford GT40

Tant par son ampleur que par sa signification, l'offensive de Ford aux 24 Heures du Mans dans les années soixante a laissé des traces profondes dans notre inconscient collectif.

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1968-69 : les prolongations

Didier Lainé le 25/02/2003

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A titre officiel, Ford annonça son intention de se retirer de la compétition à la fin de l'année 1967. Un retrait "virtuel" au niveau du Groupe mais, à la faveur de la nouvelle règlementation internationale mise en application dès la saison suivante, la GT 40 allait toutefois reprendre du service en 1968, profitant incidemment de cette "année de transition" un peu creuse pour dominer la plupart des épreuves du Championnat International, qu'il s'agisse des 500 Miles de Brands Hatch aux 1000 km du Nürburgring en passant par les 1000 km de Spa.

Dirigée par John Wyer, l'écurie Gulf volera de succès en succès en 1967 et rapportera même une trois
Dirigée par John Wyer, l'écurie Gulf volera de succès en succès en 1967 et rapportera même une trois D.R
Après avoir laissé la vedette aux MK II et aux MK IV, la GT 40 reprendra sa place en tête lors de sa
Après avoir laissé la vedette aux MK II et aux MK IV, la GT 40 reprendra sa place en tête lors de sa D.R

Une succession de victoires certes "faciles" compte tenu de la faiblesse des plateaux, cette année-là. Mais le sort des GT 40 était, cette fois, l'affaire exclusive des écuries indépendantes, le groupe Ford ne leur apportant plus (officiellement) aucun soutien financier. Ce "détail" a son importance : désormais, la GT 40 allait être jugée en fonction de ses capacités propres et non par rapport à une logistique économique et industrielle. Et, cette année-là fut surtout celle de John Wyer, en charge de l'écurie Gulf qui aligna les modèles les mieux préparés et les plus performants (le V8 de la GT 40, doté de nouvelles culasses Gurney-Eagle, était passé, dans l'intervalle, à 4942 cm3, la puissance atteignant désormais 410 chevaux). D'une remarquable efficacité, ce team constitué l'année précédente, allait également s'imposer au Mans en faisant triompher la GT 40 bleue et orange de Lucien Bianchi et Pedro Rodriguez. Une course sans grande opposition mais une belle victoire, tout de même, que Ford reprit bien entendu à son compte sans avoir cette fois investi plusieurs millions de dollars dans l'aventure...

Baroud d'honneur

A ce stade, la GT 40 aurait pu quitter la scène en pleine gloire mais celle que l'on surnommait déjà la "grand'mère" n'avait cependant pas fini d'allonger son respectable palmarès. L'année 1969 s'annonçait riche en événements. La règlementation ayant encore évolué, la catégorie Sport était désormais ouverte aux voitures de 5 litres de cylindrée fabriquées au minimum à 25 exemplaires (au lieu de 50 en 1968), les Sport-Prototypes étant, comme l'année précédente limitées à 3 litres. Cette "évolution", censée permettre (entre autres) l'homologation de la Lola T70 en Sport allait en fait servir les ambitions de Porsche qui surprit tous les media en dévoilant au Salon de Genève sa surpuissante 917 dont le moteur 12 cylindres 4,5 l affichait 520 ch DIN et qui allait être produite à 25 exemplaires pour être homologuée en Sport. Mais la firme allemande conservait parallèlement toutes ses chances en Sport-Prototypes avec sa 908 3 litres qui était désormais aussi performante qu'endurante. Dans la même catégorie étaient encore inscrites la nouvelle Ferrari 312 P, la Mirage-Brm, l'étonnante Ford 3 litres d'Alan Mann (soutenue par Ford Angleterre) et l'Alfa Romeo 33 3 litres. Les plateaux promettaient donc d'être copieusement remplis, cette année-là.

En 1969, c'est Porsche qui va créer l'événement avec sa surpuissante 917
En 1969, c'est Porsche qui va créer l'événement avec sa surpuissante 917 D.R
Contre toute attente, l'écurie Gulf-Wyer remet en course ses
Contre toute attente, l'écurie Gulf-Wyer remet en course ses "vieilles" GT 40 désormais amorties. D.R

L'écurie Gulf-Wyer était de retour, elle aussi, avec les mêmes voitures que l'année précédente. Contre toute attente, les "vénérables" GT 40 aux couleurs du célèbre pétrolier tireront encore une fois leur épingle du jeu en s'imposant en catégorie Sport dans plusieurs épreuves de premier plan (outre une très belle victoire absolue à Sebring). Mais ce que l'histoire a surtout retenu de cette saison n'est autre que la très imprévisible (et improbable) victoire de Jacky Ickx et Jackie Oliver aux 24 Heures du Mans. Une victoire obtenue à l'arraché à l'issûe d'un duel homérique entre la GT 40 N° 6 et la Porsche 908 N° 64 de Gérard Larrousse et Hans Hermann. Plusieurs heures durant, les deux voitures se suivirent à moins de deux secondes d'intervalle jusqu'au sprint du dernier tour. L'une et l'autre avaient adopté un tableau de marche prudent en laissant les Porsche 917 de tête épuiser leurs poursuivantes avant de s'épuiser elles-mêmes. Cette victoire inespérée fut non seulement celle d'une voiture (construite en 1967 sous le N° 1075, la GT 40 confiée à Ickx et Oliver était celle-là même qui avait triomphé l'année passée au Mans...) mais aussi celle d'un tandem émérite et d'une écurie parfaitement rôdée (qui allait ensuite faire triompher la Porsche 917 en recourant aux mêmes méthodes).

Ferrari connaîtra bien des déboires avec son nouveau prototype 312 P en 1969.
Ferrari connaîtra bien des déboires avec son nouveau prototype 312 P en 1969. D.R
la GT 40 N° 6 pilotée dans les dernières heures par Jacky Ickx l'emporte avec deux secondes d'écart
la GT 40 N° 6 pilotée dans les dernières heures par Jacky Ickx l'emporte avec deux secondes d'écart D.R

Renaissance

Cette ultime victoire absolue de la GT 40 demeure sans conteste sa plus éclatante. Et celle qui a le plus contribué à asseoir sa légende en lui donnant l'image d'une gagnante "sympathique" symbolisant à son tour David face au nouveau Goliath germanique. Un singulier changement de rôle résultant d'un incroyable destin...

Aujourd'hui encore, la "dernière" victoire de la GT 40 au Mans est dans tous les esprits. Un événement en soi qui figure en bonne place dans le livre d'or des "24 Heures" et fait de cette année 1969 un très grand millésime dans l'histoire de la compétition automobile.

Salon de Detroit 2002 : Ford a dévoilé la descendante moderne de la GT 40
Salon de Detroit 2002 : Ford a dévoilé la descendante moderne de la GT 40 D.R
En dépit des apparences, la
En dépit des apparences, la "nouvelle" GT est plus volumineuse que l'originale. D.R

40 ans plus tard, la GT 40 continue de s'illustrer dans les grandes épreuves du championnat VHC comme dans les ventes aux enchères internationales (où les exemplaires justifiant d'un palmarès suscitent toutes les convoitises des collectionneurs les plus fortunés). Et, à l'ombre des "versions originales", de très nombreuses répliques fabriquées en Europe ou aux Etats-Unis témoignent de la notoriété que revendique toujours cette série légendaire. Une notoriété que le groupe Ford a entrepris de remettre en scène en lançant la fabrication en petite série de sa propre réplique de la GT 40. Un modèle d'image surtout destiné à "faire parler" et créer l'événement. Plus volumineuse que l'originale, cette version "contemporaine" révélée au Salon de Detroit 2002 reste cependant fidèle en tous points à son style si caractéristique (même si aucune pièce n'est interchangeable). Equipée d'un ambitieux V8 5,4 l de 500 chevaux, cette GT 40 du troisième millénaire devrait "décoiffer" davantage qu'une Ferrari Modena tout en étant affichée à un prix comparable. Si la nostalgie "n'est plus ce qu'elle était" (dixit Simone Signoret...), si elle est trop souvent utilisée aujourd'hui dans l'industrie automobile pour compenser un manque flagrant d'inspiration ou de renouvellement, le moins qu'on puisse dire est que cette renaissance mérite un coup de chapeau. Même s'il convient de rappeler aux actuels dirigeants de Ford que l'histoire n'est pas seulement la mémoire du passé et qu'elle s'écrit aussi au présent...

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