Histoire : Le salon de Paris

le 11/08/2005

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Le berceau de l'automobile est français, son premier salon également. Ce rêve est largement centenaire ; de la première voiture de Delamare Deboutteville et Maladin (1884) à la voiture électrique du XXIème siècle, un fabuleux chemin a été parcouru, jalonné par les Salons automobiles de Paris.

C'est à l'initiative de l'Automobile Club de France que se déroule en 1898 la première exposition internationale d'automobiles sur la terrasse du Jardin des Tuileries.

140 000 visiteurs y admirent les modèles des 232 exposants qui ont subi avec succès le test d'un trajet aller et retour Paris-Versailles. L'automobile soulève déjà l'enthousiasme général, qui ne cessera de croître, particulièrement à partir de 1901, lorsque le Salon obtiendra de se tenir au Grand Palais, en bordure de l'avenue des Champs-Elysées et dans un cadre digne du prestige de cette industrie. L'automobile devait, en quelques années, profondément modifier les activités humaines et accélérer le progrès.


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En 1900, la tenue de l'Exposition Universelle entraîne l'annulation du Salon, mais la course à la puissance est lancée : le moteur de Dion passe de 1,75 CV à 3 CV.

Le Salon de 1902 est aussi celui de l'éclairage électrique : 230 000 visiteurs suivent le spectacle d'images et de lumière avec notamment la présence du cinématographe de Gaumont. Les voitures étrangères y sont très remarquées, surtout les Fiat italiennes, les Mercedes allemandes, les Locomobiles des Etats-Unis et les Napier d'Angleterre.

Désormais les progrès techniques seront permanents, et les perfectionnements multiples. Le Salon devient une institution dont l'évolution est soumise aux découvertes, notamment avec la généralisation du 4 cylindres, et l'apparition des premiers amortisseurs.

A partir de 1904, le Grand Palais est trop petit. Les camions émigrent Cours la Reine dans les serres de la Ville de Paris. Au fil de ces expositions prestigieuses, la silhouette des automobiles se distingue de plus en plus de celle des voitures à chevaux dont elle s'était inspirée à ses débuts. Les capots s'abaissent et s'allongent, les lignes s'incurvent, les châssis sont surbaissés. Par ailleurs, la présentation en 1913 de la voiture américaine Ford T (premier véhicule à être construit sur chaîne et en grande série), inaugure l'ère de la consommation de masse.

Si le Salon est interrompu pendant le premier conflit mondial, l'automobile a largement participé à la victoire : on se rappelle les fameux "taxis de la Marne", et les chars Renault et Saint-Chamond qui contribuent à percer le front allemand en 1918, sans oublier la noria de camions alimentant Verdun.

En 1919 pour la première fois, l'exposition prend le nom de "Salon de l'Auto", et inaugure l'ère du stade industriel dans la construction automobile. André Citroën s'y impose avec la "type A", première voiture "démocratique européenne" (construite en série à 100 unités par jour).

L'effervescence des années folles n'épargne pas le milieu de l'automobile, et les salons, où le grandiose côtoie l'audace, se succèdent jusqu'en 1939 avec deux interruptions en 1920 et 1925, le Grand Palais étant occupé par l'exposition des arts décoratifs. Entre le début des années vingt et 1961, l'exposition adopte un style propre au Grand Palais : l'éclairage, la décoration mettent en valeur la présentation des véhicules.

Au Salon de 1921, Citroën présente sa 5 CV. A partir de 1923, le Salon ouvre le premier jeudi d'octobre, et cette tradition perdure encore. Celui de 1926 voit le règne des 6 cylindres, où l'on note l'influence de la production américaine.


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Avec les années trente, les lignes s'abaissent et la traction avant supprime les pièces de transmission les plus encombrantes. Mais la crise incite l'industrie automobile à rationaliser sa production et à amorcer des mutations vers la consommation de masse, alors que certains constructeurs de luxe, les plus fragiles, disparaissent (Ariès, Brasier, Charron, De Dion-Bouton...).

Cependant, le Salon de 1932 est un festival de 8 CV (la "Rosalie" de Citroën, la 301 de Peugeot, la "Mona 4" de Renault) et un véritable concours d'élégance pour les carrosseries (Bugatti 57). Celui de 1934 voit l'explosion de ce qui demeure la petite "bombe" de Citroën (Traction avant "7A"), première voiture française avec une carrosserie monocoque intégrale en acier sans châssis, qui sera construite pendant 23 ans.

Malgré les incertitudes intérieures et extérieures (le Front Populaire, la guerre d'Espagne), le salon de 1936 remporte un grand succès avec la présentation de la Peugeot 302, de la Fiat 500 "Topolino", et des Panhard "Dynamic". Cependant, la guerre interrompt à nouveau la série des Salons, reléguant les projets à un lointain temps de paix.

En 1946, le Salon est de retour au Grand Palais. Son commissaire général, M. Mautin déclare : "J'arrivais par le Cours la Reine le matin de l'inauguration et je vis une queue sur plusieurs rangs s'étendant du portail d'honneur jusqu'à la Seine. On avait été tellement sevré d'automobiles que ce salon était un besoin. Sans lui la vie ne revenait pas à Paris ." Il y eut 809 000 visiteurs (le double de l'avant-guerre) pour admirer la Dyna Panhard et la 4 CV Renault, qui devint le symbole du redressement français, signe du désir d'accession à l'automobile des générations d'après-guerre.

1948 est l'année de la Peugeot 203, 1949 celle de la Citroën 2 CV ("quatre roues sous un parapluie"). Dès 1949, la production dépasse le niveau de 1939. Les années suivantes, l'industrie automobile donne naissance à des nouveautés considérables, notamment en 1955 avec la DS 19, la Ford "continental" et la Peugeot 403 (première voiture française de grande série à moteur diesel), avec la "Dauphine" de Renault (1956), la Lloyd "Alexander TS", l'Austin A 40 "Sprite" (1958) et la "Vespa 400", devant laquelle le Général de Gaulle, à l'inauguration du 46ème Salon (1959), semble se demander comment il pourrait entrer dans la plus petite des voitures françaises.

Chaque année, le Salon est caractérisé par une idée directrice. Après le thème du nouveau code de la route, des puissances augmentées, des améliorations dans la sécurité et le freinage, 1957 est celui du Sahara qui inspire bon nombre de constructeurs de poids lourds.


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Le Salon de 1962 change de cadre en s'installant Porte de Versailles. Parallèlement à cet élargissement considérable (100 000 m² de stands), il change également de conception globale, avec le poids de l'Europe qui s'impose, et la première exposition de voitures d'occasion, caravanes, cycles, motocycles et équipements.

Par ailleurs, la notion de "client-roi" s'est imposée. L'automobile se démocratise et les constructeurs privilégient la sécurité, l'environnement et l'économie. Le Salon de Paris apparaît comme la plus complète confrontation en matière automobile du monde entier et la concurrence reste source de progrès.

Les années soixante mettent en vedette la 404 Peugeot break, l'Opel "Rekord" (1960), la Renault 8, la BMW 1500 (1962), la Porsche 901 (1963), la Rover 2000, la Chrysler "Barracuda", la luxueuse DS-Pallas, le break Ami 6 (1964), et la Dyane de Citroën (1967). Le Salon de l'Automobile est désormais le "Salon du client", et le slogan inventé par Fiat en 1969 -"les temps changent, l'automobile aussi"- est devenu un véritable leitmotiv.

L'austérité des expositions des années soixante-dix, dans un climat de crise économique et sociale, reflète ce principe. Néanmoins, l'apparition de la Citroën CX, de la Volkswagen Golf et de la Fiat 131 (1974), de la Ford Fiesta, de la Citroën LN et de l'Audi 100 (1976) forcent l'admiration de visiteurs de plus en plus nombreux.

En 1976, la décision est prise de rendre le Salon biennal. La majorité des constructeurs trouvait en effet que la multiplication des salons devenait excessive. En alternance avec celui de Francfort, le Salon de Paris, au rythme des années paires, regroupe voitures particulières et véhicules industriels, tandis que le Salon du Cycle et du Motocycle se tient les années impaires dans le même lieu.

En 1988, le Salon prend le nom de "Mondial de l'Automobile". Jamais le succès ne s'est démenti. Si le nombre de constructeurs a diminué par suite de concentrations en un petit nombre de sociétés industrielles importantes, le nombre des exposants a régulièrement augmenté : de 232 en 1898, ils atteignent actuellement le millier, tous secteurs d'activités confondus. La terrasse du Jardin des Tuileries avait accueilli 140 000 visiteurs en 1898, plus d'un million se pressent au Grand Palais en 1954 et ce nombre demeure très important tous les deux ans Porte de Versailles (1 027 666 très précisément en 1994).

Enfin, les Salons des années 90 s'organisent autour de thèmes spécifiques. Le Mondial de 1990 organise un "espace jeune" d'information sur les métiers du transport et de la logistique. Celui de 1992 ("Des Autos et des hommes") consacre un espace aux véhicules tout-terrain ainsi qu'aux voitures de collection. Le Mondial de 1994 ("On n'arrête pas un rêve qui marche") présente les voitures de cinéma et l'histoire de la compétition automobile. Sur la route d'un rêve qui n'en finit pas, ces expositions ne cessent de s'enrichir et d'innover à chaque édition : elles sont toujours plus internationales, avec des conditions de visite également améliorées, avec notamment l'utilisation de techniques modernes (son, éclairage, audiovisuel...).

Dès l'origine, le Salon remplit un rôle primordial en matière de connaissance et de promotion de l'industrie automobile. Pendant longtemps on y venait choisir et acheter sa voiture, et le nombre de commandes reçues pendant la première quinzaine d'octobre représentait un pourcentage important des ventes annuelles des constructeurs. Après avoir été un luxe réservé à un petit nombre de privilégiés, l'automobile est devenue accessible à des couches de plus en plus étendues de la population.

Aujourd'hui, cette exposition a une double vocation. Elle est non seulement une immense vitrine où le public peut admirer les modèles automobiles construits dans le monde entier, mais aussi un haut lieu de rencontre des professionnels de toutes les branches de l'industrie et du commerce de l'automobile.

Depuis 1898 bien d'autres salons ont vu le jour, mais le premier en date occupe toujours le premier rang aussi bien sur le plan français que sur le plan international. Les constructeurs choisissent encore souvent de présenter leurs nouveautés à Paris, qui fut longtemps la capitale de l'automobile. Avant 1914, la France occupait la première place par le volume et la qualité de ses productions, elle demeure aujourd'hui au premier rang sur le plan de l'intérêt de ses Salons.

S'il y a longtemps que le Salon n'est plus la fête mondaine qu'il était au début du siècle, le Mondial de l'Automobile reste toujours une fête : celle d'une invention sans cesse perfectionnée depuis 100 ans, et qui répond chaque jour de façon efficace aux besoins du plus grand nombre.

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